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haut sur des individus anonymes. Ils ont pour conseillers et pour ministres des fidèles qui vivent à leur cour et sont associés au gouvernement. On peut donc supposer que la monarchie universelle et absolue aurait été remplacée par des monarchies locales, limitées par une aristocratie où se seraient confondus les principaux des barbares et des Romains ; mais il aurait fallu que rien ne rendit impossible cette fusion des deux aristocraties, et il y avait entre elles une cause de désaccord et de haine. Wisigoths, Burgondes, Ostrogoths étaient des hérétiques, et l’église ne les tenait pas pour des chrétiens. Parlons donc et de cette hérésie et de l’église, car il importe que nous sachions comment et pourquoi la Germanie émigrée a si vite disparu de la scène, comment et pourquoi ce premier essai d’établissement en terre romaine a si misérablement échoué. Nous apprendrons à connaître la puissance qui était chargée d’introduire dans le monde ancien les nouveau-venus.


VI

Les Germains établis dans l’empire professaient l’arianisme, c’est-à-dire la doctrine qui attribue au Père seul la qualité d’éternel et d’incréé, le Fils n’étant qu’une créature, la première de toutes, honorée par Dieu du nom de Verbe, mais non égale à lui, puisque « Dieu existait déjà avant d’être père et qu’il y avait un moment où le Fils n’était pas. » Cette doctrine convenait aux intelligences des barbares, qui n’étaient pas prêtes à comprendre les mystères d’un dogme composé par l’imagination orientale et la dialectique grecque ; aussi les premiers peuples germains entrés dans l’empire ont-ils tous embrassé l’arianisme. Mais la lutte contre cette hérésie avait été la grande affaire de l’église au IVe siècle ; Jérôme et Augustin s’y étaient illustrés, et vraiment, il n’y aurait pas eu de religion sans le mystère, point de foi sans l’incompréhensible, point de christianisme si le Fils de l’homme, mort pour racheter l’homme, n’était point l’Eternel. Le danger que faisait courir à l’église cette hérésie, par cela même qu’elle était raisonnable, la rendait odieuse ; il s’était formé comme une horreur de l’arianisme qui avait pénétré les âmes et faisait partie de la vie intellectuelle.

Les ariens se séparaient encore des orthodoxes en un point de grande importance ; ils n’avaient point de clergé, ou, du moins, leur clergé ne tenait point de place dans l’état. Sidoine nous montre le roi Théodoric visitant ses prêtres le matin, mais faisant cette visite sans émotion religieuse, par habitude. Ce clergé arien est si peu apparent, pour ainsi dire, que Sidoine, Avitus, Grégoire, ces grands ennemis de l’arianisme, ne nous en disent presque rien. Or l’église catholique, en même temps qu’elle avait arrêté son