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placées dans son voisinage, n’occupera, ne fortifiera, ne colonisera aucun point, ne prendra et n’exercera aucune juridiction sur le Nicaragua, le Costa-Rica, la côte des Mosquitos ou toute autre partie de l’Amérique centrale ; qu’aucun des deux ne se servira de la protection qu’il accorde ou peut accorder, d’aucune alliance qu’il a contractée ou peut contracter avec aucun de ces états pour bâtir et maintenir de telles fortifications, ou pour occuper, fortifier ou coloniser le Nicaragua, Costa-Rica, la côte des Mosquitos ou toute autre partie de l’Amérique centrale, ou pour prendre et exercer aucune domination sur les dites contrées. Ni la Grande-Bretagne, ni les États-Unis ne chercheront à tirer avantage des alliances, relations ou influences qu’ils peuvent posséder à l’égard des états ou des gouvernemens dont ledit canal traversera le territoire, dans la pensée d’acquérir ou de retenir directement ou indirectement pour les sujets ou citoyens de l’un d’eux des droits et des avantages relatifs au commerce et à la navigation par ledit canal, qui ne seront pas accordés dans les mêmes termes aux sujets et aux citoyens de l’autre. » Il est impossible, on en conviendra, de pousser plus loin la prévoyance et les précautions. L’article 8 étend les stipulations du traité « à toutes les autres communications praticables, soit par canal, soit par chemin de fer, à travers l’isthme qui unit l’Amérique du Nord à l’Amérique du Sud, et spécialement aux communications interocéaniques, si elles sont praticables, soit par canal, soit par chemin de fer qu’on propose maintenant d’établir par la voie de Tehuantepec ou de Panama. »

Le cabinet de Washington considérait ce traité comme extrêmement avantageux, parce qu’il assurait aux Américains toute facilité pour étendre et développer leurs relations de commerce avec l’Amérique centrale, sans qu’il fût désormais possible à l’Angleterre d’y mettre obstacle par des traités avec des gouvernemens besogneux ; mais toutes les précautions qui avaient été prises contre l’Angleterre se sont retournées contre les États-Unis, du jour où la prépondérance, contre laquelle ils cherchaient autrefois à se protéger, est passée de leur côté. Leurs rapports commerciaux avec le Mexique et l’Amérique centrale se sont considérablement accrus ; l’acquisition de la Californie et de l’Orégon leur a créé des intérêts sur les deux océans ; ils pèsent d’une influence presque irrésistible sur toutes les petites républiques de l’Amérique centrale ; mais ils ne peuvent profiter de cette situation pour se faire attribuer des avantages exclusifs, et ils peuvent encore moins, malgré leur ardent désir, acquérir le monopole des communications interocéaniques. Aucune subtilité ne leur a permis d’éluder les stipulations trop claires et trop précises du traité Clayton-Bulwer. Il faut ou observer le traité ou le violer ouvertement. La tentation est grande chez les