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d’une ville. Longtemps isolés et presque inconnus de la terre entière, les Boers ont aujourd’hui des amis puissans.

La délégation qui est venue négocier la révision du traité de 1884 a utilement employé son séjour en Europe. Elle a obtenu en Hollande la promesse d’un appui financier qui permettra à la république sud-africaine de rétablir l’équilibre de son budget et de pourvoir à l’exécution d’un chemin de fer qui lui est indispensable pour l’écoulement des produits de son agriculture. Ce chemin de fer doit suivre le cours du Limpopo, qui se jette dans la baie de Delagoa. Lorsqu’il a été question pour la première fois de ce chemin de fer, l’Angleterre s’était empressée de négocier avec le Portugal l’acquisition de cette baie de Delagoa ; mais les cortès ont rejeté le traité que les ministres du roi don Luis avaient eu la faiblesse de consentir. Les délégués des Boers se sont rendus à Lisbonne pour obtenir de leur voisin qu’il ne laisse pas élever de barrières entre eux et lui, et qu’il ne ruine pas d’avance, par des tarifs onéreux, le trafic du futur chemin de fer. Le séjour des délégués à Berlin n’a pas été la moins fructueuse de leurs étapes. Plusieurs fois reçus par M. de Bismarck, ils l’ont édifié sur la fertilité de leur territoire, sur les ressources qu’offre l’Afrique centrale, et sur la possibilité d’établir un commerce avantageux avec des contrées où les produits européens ne pénètrent pas encore, et où ils pourraient trouver un débouché sans limites. L’arrivée à Angra-Pequeña des agens de la maison Lüderitz, bientôt suivis par une frégate et un petit corps de troupes, a été l’une des conséquences de ces entretiens instructifs. Lorsqu’on a appris à Durban qu’un agent de cette maison Lüderitz, sous prétexte d’histoire naturelle, parcourait les côtes du pays des Zoulous et que les Boers avaient fondé dans le Zoulouland, avec l’agrément du roi Dinizulu, un certain nombre de fermes, le gouverneur de Natal, sir H. Bulwer, a immédiatement envoyé un aviso occuper Port-Durnford, dans la baie de Santa-Lucia, qu’on croyait être l’objectif des Allemands, et l’Angleterre a exhumé un traité de 1843, par lequel Pando, roi des Zoulous, aurait cédé cette baie au gouvernement anglais, qui n’avait jamais songé à en prendre possession. On a beaucoup remarqué un communiqué adressé, au sujet de cet incident, à la Gazette de l’Allemagne du Nord. Le journal officieux de M. de Bismarck déclara que les prétentions de la maison Lüderitz sur la baie de Santa-Lucia n’étaient pas admissibles, non pas à cause de la cession qui en aurait été antérieurement faite par le potentat nègre, dont l’existence n’était même pas soupçonnée, mais « parce qu’un traité comme celui sur lequel M. Lüderitz se fonde ne saurait être valable qu’autant qu’il aurait été accepté par le Transvaal, sous la protection duquel est placé le Zoulouland, » et que,