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du gouvernement anglais pour protéger les droits des populations indigènes.

Le degré de protection à accorder aux indigènes est le problème qui complique l’œuvre de la colonisation dans l’Afrique du sud. Un des principaux griefs des colons contre le gouvernement anglais est que les persécutions inintelligentes qu’il a dirigées contre les Boers ont eu pour résultat de disperser sur une immense étendue de territoire une population qui, si elle était demeurée concentrée dans les anciennes limites de la colonie, formerait aujourd’hui une nation homogène, capable de se suffire à elle-même, et assez forte pour n’avoir rien à redouter des indigènes, tandis que la sécurité n’est encore complète que dans le voisinage des villes. Les colons rendent responsables de cet état de choses les missionnaires anglais et l’influence excessive que ceux-ci exercent sur les déterminations du gouvernement métropolitain. Le missionnaire anglican est un homme de bonne éducation, un lettré sorti des universités, mais on ne le rencontre guère en dehors de l’Inde, où il institue des cours et fonde des collèges en attendant d’être appelé à un évêché colonial : il est à peu près inconnu en Afrique. Les missionnaires des sectes dissidentes, méthodistes, baptistes et autres, sont en général des déclassés, de basse extraction, d’éducation et d’instruction médiocres, qui, n’ayant pas réussi à se créer une position sociale, embrassent comme profession la propagation de l’évangile. Ils soutirent un peu d’argent à quelque société biblique ou à quelques vieilles dévotes, et, munis d’une provision de bibles et d’une pacotille, ils partent pour les îles de l’Océanie ou pour l’Afrique, où ils mènent de front l’apostolat et le commerce. Le trait fondamental de leur christianisme est une haine féroce contre les chrétiens. Le blanc, en effet, peut devenir un surveillant incommode, et il ne rapporte rien. Le nègre qu’on détermine à se laisser baptiser vaut une prime de la part de la société biblique, et il devient un client de la boutique. Ces cliens, il est vrai, sont quelquefois fort maltraités par leurs protecteurs. L’an dernier, en pleine chambre des communes, un véritable philanthrope, M. Jacob Bright, a dénoncé un de ces prétendus apôtres qui réduisait à l’état d’esclaves les nègres qu’il disait avoir convertis, les faisait travailler à son profit et avait fini par en assassiner un.

Les colons considèrent, non sans quelque raison, les missionnaires comme un des pires fléaux qui se soient abattus sur l’Afrique. Un écrivain de la Quarterly Review s’est rendu l’éloquent interprète des griefs de la colonie contre cette engeance tracassière et malfaisante. Ce sont eux qui, sous prétexte d’affranchir les Hottentots, ont amené la dégradation et la disparition de cette race