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comme une application anticipée du Do ut des « Les actes de Nachtigal au sud de Batanga, disait ce télégramme, me paraissent ne pouvoir se concilier avec certaines prétentions françaises de ce côté. S’il en est effectivement ainsi, nous ne soutiendrons pas ce qu’il a fait. Dites-le à M. Ferry. » Ce télégramme est du 29 août 1884 : ce même jour, le chargé d’affaires anglais à Berlin remettait au comte Hatzfeldt une note où il se fondait sur les anciennes relations de l’Angleterre avec les chefs africains pour protester contre les procédés d’annexion sommaire du docteur Nachtigal. La seule réponse que cette note reçut fut l’expédition, à la date du 17 octobre 1884, d’une circulaire destinée à être communiquée aux cabinets de Londres, Paris, Madrid, Lisbonne, La Haye, Bruxelles, Washington, Rome, Vienne, Saint-Pétersbourg, Copenhague et Stockholm pour leur notifier la prise de possession par l’Allemagne du district de Togo sur la côte des Esclaves, avec les ports de Lamo et de Bagida ; de Bimbia et de l’Ile Nikol dans la baie de Biafra ; des Camerons, de Malemba jusqu’à son extrémité septentrionale, du Petit-Batanga et de Criby ; et, au sud des possessions portugaises, de toute la côte entre le Cap-Frio et la rivière Orange, à l’exception de la baie de Walfish. Telle était l’œuvre de moins d’une année. On voit que le docteur Nachtigal n’avait pas perdu son temps ; et l’on ne peut s’étonner que les machines de l’aviso la Möwe, mis à sa disposition, se soient trouvées hors de service à la fin d’une aussi rude campagne.

Nous n’avons pas encore prononcé le nom d’Angra-Pequeña bien que ce nom figurât en tête des instructions données au docteur Nachtigal. Il rappelle l’échec le plus mortifiant qui ait été infligé à la diplomatie anglaise par M. de Bismarck et celui qui peut avoir dans l’avenir les conséquences les plus sérieuses ; mais l’importance n’en saurait être appréciée qu’à l’aide de certaines explications. Au nord de la Rivière-Orange commence le pays des Grands-Namaquas, tribus nomades de race hottentote, qui promènent leurs troupeaux dans de vastes plaines où le sol ne se prête que par intervalles à la culture du blé. Là, point de ces richesses souterraines, mines d’or ou de diamant, qui ont fait affluer les émigrans dans la région montagneuse du centre, d’où l’Orange et le Vaal, son principal affluent, descendent en décrivant mille circuits. La côte elle-même semble déshéritée ; aucun cours d’eau navigable ne donne ouverture dans l’intérieur et n’invite au commerce. Quelques-pêcheurs de la colonie du Cap y viennent poursuivre le cachalot ; pour la commodité de leur industrie, ils ont occupé quelques îlots et formé un petit établissement à Walfish-Bay, où ils préparent les produits de leur pêche. Du reste, depuis la Rivière-Orange jusqu’au