Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/328

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de plus de 300 lieues de côtes et se composent uniquement de comptoirs où fréquentent des trafiquans de tout pays. Nulle part, l’Angleterre n’avait essayé d’étendre son autorité à l’intérieur des terres, même où de majestueux cours d’eau lui offraient toute facilité pour le faire. De rapides croiseurs parcouraient les côtes, écrasant sous les obus les villages dont les habitans avaient attaqué quelque peuplade protégée par l’Angleterre ou se refusaient à payer les droits d’entrée et de sortie établis au profit de cette puissance ; et ils s’éloignaient ensuite, laissant au cœur des populations d’amers ressentimens. Cependant quelques chefs, dans l’espérance d’obtenir la protection de l’Angleterre et une petite part de ces subventions qu’elle distribuait d’une main peu libérale, sollicitaient l’annexion de leurs états aux possessions anglaises. Dès le 7 août 1880, Bell, roi de Togo ; Apia, roi de Biafra, et quelques chefs établis aux bouches des Camerons adressèrent une pétition au cabinet anglais à l’effet de voir englober leurs états dans les possessions britanniques. Ils renouvelèrent infructueusement leur demande en novembre 1881 et en mars 1883. Ils ne reçurent aucune réponse. Lord Derby professait quant aux colonies les mêmes opinions que le parti radical ; il regardait une aggravation des charges budgétaires comme la seule conséquence certaine de la multiplication des colonies. Il avait le souvenir des millions de livres sterling et des hécatombes de marins et de soldats que les trois guerres contre les Ashantis ont coûtés à l’Angleterre ; il appréhendait que les annexions sollicitées n’eussent pour résultat d’entraîner le gouvernement dans de nouvelles et coûteuses expéditions. Il n’attachait qu’une médiocre importance aux établissemens africains, généralement limités aux petites îles formées par l’estuaire des principaux fleuves. Il considérait que les plus anciens, même ceux qui comptent deux et trois siècles d’existence, ne font pas leurs frais. Au bout de cent cinquante années, le commerce de Sierra-Leone est encore limité à l’ivoire, à la poudre d’or et aux peaux, et ne dépasse pas, entrées et sorties réunies, 25 millions ; celui de la Gambie ne monte guère qu’à 8 millions ; celui des établissemens de la côte d’Or, acquis, en 1872, de la Hollande par voie d’échange, est en moyenne de 22 millions ; celui de Lagos n’a fait aucun progrès depuis vingt-cinq ans et demeure en moyenne de 30 millions, malgré les communications, ouvertes par eau, avec les populations de l’intérieur. Tous ces établissemens sont stationnaires, beaucoup moins à cause de l’insalubrité du climat, qu’à cause de l’état de guerre perpétuel qui règne le long des côtes. Pour maintenir en paix ces peuplades, avides de pillage, pour établir l’autorité du gouvernement anglais, et assurer partout au commerce la sécurité dont il a besoin, ce ne serait pas trop de toutes les forces maritimes et