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personnages virils ont la lèvre supérieure rasée, tandis qu’une barbe très fournie enveloppe le menton, au-dessous duquel elle s’allonge et se termine en pointe. Si la moustache commence à paraître sur quelques-uns des plus anciens vases attiques, elle ne s’y montre encore que par exception. Dans le plus conservateur de tous les états grecs, à Sparte, cette mode persista toujours. Lorsqu’ils entraient en charge, les éphores, racontait Aristote, s’adressaient aux citoyens par la voix du héraut pour leur recommander de couper leur moustache et d’obéir aux lois. Les poèmes homériques confirment ces témoignages, au moins d’une manière indirecte. Il y est question « du menton que blanchit l’âge, de la barbe bleuâtre qui enveloppe le menton d’Ulysse, » quand Pallas veut lui rendre les apparences de la jeunesse ; pas la moindre allusion à la couleur du poil qui ombragerait la lèvre. La bouche était donc complètement dégagée, telle que nous la voyons dans les têtes cypriotes, et c’est encore un trait par lequel les Grecs d’Homère se distinguent de ceux de Phidias[1].

De nombreux joyaux complétaient le costume des femmes ; or, l’Odyssée nous apprend que les marchands sidoniens vendaient des bijoux aux insulaires de la mer Egée[2]. Ces bijoux, que le commerce a portés un peu partout sur les côtes de la Méditerranée, ce sont ceux qui, copiés par l’ébauchoir ou par le ciseau dans l’argile ou dans la pierre, ornent les oreilles, le col ou la poitrine des figurines phéniciennes et des statues cypriotes. Les termes dont se sert le poète pour décrire la parure de ses héroïnes s’appliquent d’ailleurs très bien aux modèles que nous offre ainsi la sculpture asiatique et à ceux qu’ont fournis nombre de vieilles sépultures dans les îles en Grèce et en Italie. Tous les objets ainsi ramassés ne sont pas de fabrique phénicienne. De plusieurs passages des poèmes il résulte, en effet, qu’il y avait dès lors, dans le monde grec, des ouvriers qui travaillaient les métaux précieux ; mais dans ceux mêmes de ces bijoux qui doivent avoir été façonnés par des artistes indigènes, on sent encore un goût qui ne sera pas celui de la Grèce pleinement développée. Ici, dans des broches à rouelles où l’on propose de reconnaître les helikes du poète, on retrouve cette prédilection pour les enroulemens compliqués qui caractérise l’art mycénien ; là, c’est l’emploi de l’ambre jaune, matière molle et à demi (ransparente, que l’industrie grecque, un peu plus tard, cessera de mettre en œuvre ; ailleurs, ce sont des motifs d’origine certainement orientale ; partout, enfin, c’est une richesse un peu lourde, ce sont des dispositions qui tendent à dissimuler cette beauté de

  1. G. Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. III, fig. 350, 353, 354, 404, etc.
  2. Odyssée, XV, 459-460.