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attirent trop l’œil, qu’ils le détournent de donner son attention à cette vivante architecture du corps humain dont les maîtresses lignes doivent se continuer et transparaître sous le vêtement. D’ailleurs, des images comme celles du peplos d’Hélène ou de celui d’Alkisthénès auraient manqué leur effet avec le système des étoffes drapées librement et à grands plis ; ces plis auraient coupé partout les figures ; celles-ci ne se voient bien que là où l’étoffe tombe raide et tendue. Le costume dont la mode avait prévalu dans la Grèce républicaine diffère donc sensiblement, à tous égards, de celui que l’on portait en Ionie, pendant l’âge où a fleuri l’épopée.

On arrive au même résultat pour la coiffure des deux sexes. Les héroïnes d’Homère avaient autour du front un diadème de métal, l’ampux ; la naissance des cheveux était cachée sous une sorte bonnet très élevé qu’assujettissait une tresse de laine ; c’était le kékruképhalos ; enfin un voile, le krédemnon, pendait sur les épaules et enveloppait le cou. M. Helbig a retrouvé tout cet arrangement dans les peintures de très anciennes tombes étrusques, et aujourd’hui encore, on rencontrerait quelque chose de pareil en Syrie et dans certains districts reculés de l’Asie-Mineure. Nous voilà loin de ce que les artistes appellent la coiffure grecque, de celle dont quelques bandelettes font tous les frais, nouées sur une chevelure ondulée qui, vers le sommet de la tête, se relève en un épais chignon ou qui se répand sur la nuque en boucles capricieuses. Il en est de même pour les hommes. Des épithètes qui reviennent fréquemment dans l’Iliade nous apprennent que les Achéens portaient les cheveux longs[1] ; mais nous ne pensons pas qu’ils les eussent d’ordinaire flottons autour des joues et sur le dos. Cette liberté d’allures se serait mal accordée avec la coupe et le style du vêtement. Au contraire, celui-ci se serait très bien accommodé d’une coiffure analogue à celle que nous offrent les bas-reliefs assyriens et cypriotes. Au tuyautage de l’étoffe auraient répondu, chez les hommes, les boucles pareilles et symétriquement distribuées de la chevelure et de la barbe ; chez les femmes, les tresses, pendantes en nombre égal des deux côtés du visage, auraient très bien accompagné les plis droits du voile empesé ; l’harmonie aurait été sensible. Plusieurs des expressions du poète, expressions qui n’ont pas toujours été bien comprises, permettent de croire à des dispositions de ce genre, et ce témoignage est confirmé par celui des monumens. C’est vers le milieu du Ve siècle que prévaut en Grèce la mode des cheveux courts ou crêpés naturellement sur les tempes

  1. La plus commune est ϰάρη ϰομόωντες (karê komoôntes), qui, sans cesse employée dans l’Iliade, ne se rencontre qu’une fois dans l’Odyssée.