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allures suspectes d’une canonnière allemande, qui, entrée à Port-Jackson pour se radouber, en était partie brusquement et s’était dirigée vers le nord, le 9 octobre, au moment où arrivait à Sydney un télégramme faisant connaître les instructions envoyées au commodore Erskine. On supposait que le gouvernement anglais se refusait à donner pleine satisfaction aux Australiens par condescendance pour l’Allemagne, dont les mauvais procédés sur la côte occidentale d’Afrique étaient déjà connus. Un journal radical de Brisbane écrivait ironiquement que, si le gouvernement anglais n’avait pas montré plus de diligence dans l’affaire de la Nouvelle-Guinée, c’était parce que M. Gladstone « avait attendu la permission de M. de Bismarck, et qu’à l’avenir quand on pétitionnerait pour obtenir l’annexion d’îles encore disponibles, le plus court serait peut-être de s’adresser directement à l’Allemagne. » Les chambres du Queensland étaient en session à ce moment, et cette question y souleva une discussion des plus orageuses. Dans l’assemblée, sir Thomas M’Ilwraith, devenu le chef de l’opposition, soutint que ce n’était pas pour un aussi mince résultat que la colonie avait consenti à grever son budget d’une charge annuelle considérable, qu’on avait abusé de la bonne foi et de la crédulité des colons, et il ajouta : « Nous prenons, comme il est juste, souci de nos intérêts : plus nous en prendrons souci, plus l’Angleterre s’en apercevra, et mieux cela vaudra pour nous. L’Angleterre veille très minutieusement sur ses intérêts ; il est grand temps que nous veillions sur les nôtres. Si la façon dont l’Angleterre en agit avec les colonies amène aujourd’hui les gens à se demander s’il ne vaudrait pas mieux pour nous former une nation confédérée dans le Pacifique que demeurer une simple dépendance de l’empire britannique, tant pis, ce sera sa faute. » Un autre orateur, M. Ferguson, faisait remarquer que la conduite du gouvernement anglais n’était propre qu’à détruire les sentimens d’affection des colons pour la métropole. Il semblait que le gouvernement anglais désirât se débarrasser d’eux ; il ferait aussi bien de le dire franchement. Si les relations extérieures de l’Angleterre devaient avoir pour conséquence d’arrêter le développement de l’Australie, il fallait en arriver à une confédération de tout l’empire ou à son démembrement. Un ancien ministre, M. Maccrossan, soutint que la doctrine Monroe devait être appliquée, dans l’intérêt de l’Australie, à toutes les îles et à tous les territoires du Pacifique. « Il y a un siècle, ajoutait-il, les États-Unis n’avaient ni une population plus nombreuse ni une force plus grande que les Australiens aujourd’hui, et actuellement, ils peuvent défier lemondeentier.de les léser. Le jour viendra, je l’espère, où les Australiens seront, sinon aussi forts que les États-Unis, au moins assez forts pour se défendre