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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 juin.

Quand on a eu longtemps le pouvoir et les influences et le budget, qui est le grand instrument de règne, et le crédit que donne un pays comme la France, et la soumission apparente d’une nation plus résignée que conquise, on croit volontiers que cela ne finira jamais. Tout finit, au contraire, tout a un terme, même ce qui a eu quelque grandeur, — à plus forte raison ce qui n’est que médiocre, ce qui n’a été que le perpétuel abus d’une domination de circonstance. M. Gambetta, qui avait sa sagacité quand il n’était pas aveuglé par l’infatuation ou entraîné par de vulgaires solidarités, M. Gambetta disait un jour, il y a de cela des années, que l’ère des périls était passée pour la république, pour les républicains, qu’on entrait dans l’ère des difficultés. On est entré, en effet, depuis longtemps dans cette ère des embarras dont parlait M. Gambetta, on n’en est plus sorti ; on s’y enfonce de plus en plus en croyant pouvoir fonder un gouvernement avec des fantaisies et des passions de parti, en ajoutant les erreurs aux erreurs, en abusant des ressources de la politique de la France, sans s’apercevoir qu’à ce jeu les difficultés pourraient redevenir des périls et que tous les excès avaient leur lendemain. Ce lendemain, c’est ce qui se passe aujourd’hui ; c’est cette situation assez curieuse, en vérité, où les partis dominans n’ont plus la même confiance, quoiqu’ils affectent le même orgueil, où ils sentent bien qu’il y a eu des fautes dont le pays commence à s’inquiéter et à demander compte, où ils se figurent qu’à l’approche des élections, il suffit de déguiser les incohérences qu’ils ont accumulées, d’obscurcir les responsabilités, de tromper en-