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professeur de rhétorique, autrefois, nous vantait cette sentence de M. Nisard : « Le jour où le grand Corneille cesserait d’être populaire sur notre théâtre, ce jour-là, nous aurions cessé d’être une grande nation ! » Heureusement, ce jour-là n’est pas venu ni près de venir : Corneille est populaire chez nous, autant que peut l’être un homme de l’ancien régime et qui « savoit la politique, » suivant le témoignage de son neveu, aussi bien que les belles-lettres et l’histoire, « mais les prenoit principalement du côté qu’elles ont rapport au théâtre. Il n’avoit pour toutes les autres connaissances ni loisir, ni curiosité, ni beaucoup d’estime. » Oui vraiment, notre professeur nous recommandait souvent cette phrase de Fontenelle… Autant qu’un poète qui ne fut que poète, et qui le fut sous les rois, peut être populaire, Corneille l’est encore : on l’a bien vu, l’automne dernier, à Rouen, lors du deux-centième anniversaire de sa mort ; ce fut une assez belle fête pour une fête de province. M. de Bornier fournit des vers ; et je ne sais combien de corporations, entre autres celle des zingueurs, défilèrent, à la suite de l’Académie française, par les rues décorées et pavoisées ; il y eut des régates, en ballon, dans l’après-midi ; et, le soir, des illuminations et « l’embrasement du pont de pierre. » Ce soir, que fera-t-on ici, à la Comédie-Française ? Qu’auront imaginé messieurs les sociétaires pour cette solennité ? En octobre, ils se sont rendus à l’appel de M. le curé de Saint-Roch, qui les avait conviés à une messe ; ils ont joué à Paris Polyeucte ; à Rouen, Horace et le Cid ; ici et là, un vieil à-propos : Corneille et Richelieu, et trois actes du Menteur ; avant le Menteur, à Paris, M. Got a lu un Éloge de Corneille extrait du discours de réception du Racine à l’Académie. Voilà pour la commémoration de la mort : d’aucuns ont jugé que c’était peu ; c’était pourtant quelque chose. Pour celle de la naissance, qu’est-ce que nos gens auront inventé ? Ou, du moins, sans invention, combien de chefs-d’œuvre de Corneille vont-ils représenter ces jours-ci, et dans quel ordre ? Auquel accorderont-ils le privilège d’ouvrir ce jubilé ? Plus que Racine, autant que Molière, le grand homme du jour a gardé la faveur publique ; il est même, sinon plus estime ni plus aimé, du moins plus respecté que Molière ; il tient le dessus dans cette trinité, il est Dieu le père : allons voir quels honneurs ses cardinaux lui rendent !

On y va : Horace et le Menteur ! .. C’était déjà, cet automne, l’affiche du Théâtre des Arts : MM. les sociétaires fêtent Corneille à la rouennaise. Aussi bien, c’était chose réglée dès 1881, et peut-être avant : Corneille naît, Corneille meurt, Horace et le Menteur sont de service ? rien de nouveau pour aujourd’hui. Et demain ? Et après ? Plus de Corneille : disparu, oublié. Du moins, ce soir, entre les deux pièces, voici annoncé un à-propos tout neuf : Pour Corneille, de M. François Fabié. On se renseigne : est-ce une comédie ? est-ce un drame ? Ni l’un ni. l’autre : M. François Fabié, paraît-il, avait bien fait à cette occasion