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pour la solitude laborieuse et on revoit l’inscription placée par un moine italien sur la porte de sa cellule : O beata solitudo ! O sola beatitudo !

L’ignorance des rivalités, la tranquillité de l’esthétique désintéressée, la solitude, en un mot, nous l’avons cherchée pour nous livrer à cette critique rapide à laquelle on pourra reprocher, comme à certains tableaux du Salon, de n’être qu’une ébauche, mais une ébauche sans parti-pris. Nous ne parlerons pas de plus d’une œuvre que nous aurions voulu avoir le loisir d’examiner longuement, mais que nous nous promettons bien de retrouver dans les expositions futures et restreintes, où se mesurera le véritable niveau de l’art français. Ne sommes-nous pas certain d’y rencontrer le lumineux tableau de M. Lhermitte, le Vin ; la composition si intéressante à tant de titres de M. Agache, Fortuna ; le Printemps sacré, de M. Lucas ; la Fonderie, de M. Gueldry ; l’Étude claire, pittoresque, un peu sommaire, mais vigoureusement enlevée de M. Roll ; le panneau décoratif de M. Lagarde, le tableau plein de qualités rares de M. Berteaux ; les deux ouvrages si contradictoires, si personnels et si attrayans de M. Dagnan-Bouveret ?

Nous avons hâte de terminer et, s’il se peut, de conclure, car notre but n’a pas été de dresser en quelque sorte l’inventaire du Salon et de décrire le plus grand nombre d’œuvres possible ; nous nous sommes arrêté devant quelques-unes seulement plus significatives au point de vue de l’étude que nous avions l’ambition d’esquisser sur l’état moral de la peinture au Salon de 1885. Si deux faits pouvaient se dégager pour le lecteur de l’examen auquel nous l’avons convié, nous serions pleinement satisfaits.

Le premier, c’est que l’école proprement dite, l’école officielle, serait condamnée si elle n’était dès maintenant résignée, en conservant toutes ses traditions glorieuses, à s’infuser un sang nouveau et à faire une place à l’esprit moderne. Le second, c’est que les adhérens épars de l’école moderne, de l’école claire, s’ils veulent grouper autour d’eux les jeunes gens, s’ils se refusent à périr par l’individualisme, ne sauraient se passer d’une direction et de ces fortes études qui n’ont jamais entravé la libre expression des dons naturels. Nous avons essayé d’ailleurs de noter au passage, entre les deux écoles de peintres, les signes précurseurs d’un rapprochement nécessaire, inévitable, prochain même et que l’école de sculpture a depuis longtemps réalisé. Peut-être le lecteur indulgent nous rendra-t-il cette justice que nous n’avons pas péché par un optimisme exagéré et que nous ne nous sommes pas érigé en adulateur du temps présent, en admirateur systématique de nos peintres et de leurs œuvres.