Martyrs, Montmartre, ou la ville même de Saint-Denis, entre lesquels hésitent les commentateurs et les historiens. Il y pouvait étaler la pompe et la pourpre romaines, nous montrer l’armée impériale avide du spectacle et opposer à la cruauté de la soldatesque déchaînée la résignation courageuse des martyrs, comme à ses costumes éclatans la simplicité évangélique des premiers apôtres de la parole chrétienne.
Nous ne nous sommes pas aperçu que M. Bonnat ait songé à une interprétation de ce genre, et notre critique s’arrête devant son œuvre comme devant une énigme dont il ne nous a pas été donné de surprendre le secret. Il y a eu évidemment chez l’artiste un parti-pris. C’est par des hachures et par une peinture rudimentaire qu’il a sans doute entendu rendre la simplicité des premiers âges. C’est un art nouveau pour l’examen duquel nous nous déclarons incompétent. Heureusement pour M. Bonnat, il use d’autres procédés quand il veut exécuter un portrait ; c’est ce qui explique sa vogue et c’est ce qui la justifie.
On voit par là que l’école néo-classique, ou soi-disant telle, compte encore bon nombre d’adeptes dont nous n’avons voulu citer que les plus célèbres ou les plus actifs. Elle se prolonge encore dans l’histoire proprement dite, car on sait qu’au point de vue pictural, au moins, l’histoire ne commence qu’à l’invasion des barbares et à M. Luminais, qui expose au Salon la Mise au tombeau du roi Chilpéric Ier. Le roi est représenté vêtu de son costume de chasse ; l’évêque de Paris, qui le soutient dans ses bras, a tous les ornemens sacerdotaux. Pour le coup, on le voit, c’est bien de l’histoire. David a eu beau faire ; il a eu beau peindre l’Enlèvement des Sabines et les Thermopyles, il n’est pas devenu pour cela un peintre d’histoire, il est resté un peintre classique. C’est seulement quand il ébauche le Serment du jeu de paume qu’on lui accorde le titre de peintre d’histoire. Cela tient sans doute à ce que, dans le tableau, ses personnages devaient être habillés. L’histoire comporte le vêtement, et c’est à cela qu’on la reconnaît.
Notre premier peintre d’histoire, par ordre chronologique, au point de vue des sujets traités, est bien M. Luminais. Il a fait sa propriété de la première race, et rien de ce qui est mérovingien ne lui est étranger. Tout un musée gallo-romain passe, pièce par pièce, sur ses toiles : casques, cuirasses, framées, tiares et boucliers. Sa collection est-elle authentique ? Peu importe. Ce n’est point l’exactitude que l’on demande à l’historien ou, si vous le voulez, à la peinture historique : il suffit qu’elle nous émeuve et nous donne par à-peu-près la sensation des temps passés.
Qui dit peinture historique dit à la fois peinture sévère et