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est un juge en matière d’art. Personne n’a le droit de se plaindre, car le public est là pour juger les juges eux-mêmes. Aussi le critique peut-il indifféremment examiner les œuvres au point de vue de l’esthétique particulière qui résume ses aspirations ou ne faire choix d’aucune esthétique. Il peut être partisan de telle ou telle doctrine ou se passer de toute doctrine. Il regarde l’œuvre, donne son avis, le motive s’il se peut et expose son travail comme l’auteur dramatique sa pièce et le peintre son tableau. En bonne justice, on ne saurait attendre de lui davantage, pourvu qu’il ait la sagesse de se renfermer dans son rôle. Certains auteurs se retournent contre les critiques et leur demandent de faire leurs preuves : « Faites donc une pièce, puisque vous prétendez vous y connaître si bien ; faites donc un tableau meilleur que le mien, puisque le mien n’a pas su trouver grâce à vos yeux. » Le critique a le droit de répondre : « A chacun son métier. » Quant à nous, nous nous garderons de jamais demander à un peintre son avis sur les ouvrages de ses confrères ; son savoir-faire vous est un sûr garant d’une incompétence particulière et pour ainsi parler, professionnelle, et personne ne nous parait plus incapable que M. Josse de donner un avis sur les morceaux d’orfèvrerie qui ne sortent pas de sa maison.

Cornélie, mère des Gracches, était une femme très illustre, même de son vivant. Elle avait eu pour père Scipion l’Africain, et elle avait recueilli dignement le noble héritage de ses hautes vertus. Pour rester citoyenne de Rome, elle avait refusé la main d’un roi et Rome lui avait élevé une statue en bronze au bas de laquelle on lisait, comme sur le tableau de M. Boulanger, cette inscription : « A Cornélie, mère des Gracches. » Il est invraisemblable que, sortant de son palais, la matrone romaine ait revêtu les apparences sous lesquelles se présenterait aujourd’hui la servante d’une famille patricienne de Naples ou de Florence allant promener les enfans de son maître sous les ombrages des Caséines ou sur les pentes du Viale-dei-Colli. Je vois bien que la femme que nous présente M. Boulanger ne porte aucun bijou, mais cette abstention historique ne me parait pas suffisante pour donner son véritable caractère à la mère dont l’artiste a voulu faire revivre le souvenir. Tout est bourgeois dans cette œuvre, tout est conventionnel, et, n’était le titre, on aurait pu croire à la fantaisie d’une famille qui aurait demandé au savant peintre le portrait de ses enfans en costumes romains, comme une autre famille demandait il y a quelques années à M. Comerre le portrait d’une jeune fille en costume japonais, comme le Salon de cette année nous montre une autre jeune fille du même peintre en poudre et en paniers au milieu d’une gamme savante et suave de bleus habilement combinés.