Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

anglaises de Nogent-le-Roi et de Montigny-le-Roi. Pour montrer l’importance qu’il attachait à la possession de ces deux places, Bedford en avait délégué nominalement la capitainerie à l’un des plus grands seigneurs et à l’un des meilleurs hommes de guerre de l’Angleterre, au fameux Jean de Montagu, comte de Salisbury et du Perche, lequel avait institué comme ses lieutenans, à Montigny, Thomas Gargrave, chevalier, avec trois hommes d’armes et seize archers, à Nogent, Thomas Grett, avec le même nombre d’hommes d’armes et d’archers qu’à Montigny. Un écuyer anglais, nommé Dicon Amors, qui avait eu le premier la garde de ces deux places, avait tellement pressuré les populations du Bassigny que Charles II, duc de Lorraine, s’en était plaint amèrement, dans les premiers mois de 1423, à Jean, duc de Bedford. En 1426, Gargrave et Grett n’en suivaient pas moins l’exemple de leur prédécesseur et rançonnaient à l’envi les sujets du roi de France et du duc de Bar. Les exactions commises par ces Anglais donnèrent lieu à des plaintes si vives que le duc René se vit contraint, pour rendre un peu de sécurité aux habitans de cette région, de renforcer la garnison de Gondrecourt. Depuis le 28 novembre 1425, cette place était confiée à la garde de douze hommes d’armes commandés par le bâtard de Cirey ; mais le 15 janvier suivant, on dut augmenter l’effectif de cent vingt nouveaux hommes d’armes, dont un certain Michel Boutier était capitaine, et ce dernier signala sa prise de possession de la capitainerie de Gondrecourt, en levant sur les habitans de Greux et de Domremy une contribution militaire ou « appâtis » d’un muid et demi d’avoine.

Dès le commencement de 1427, les Anglais occupèrent le Bassigny avec des forces si imposantes que l’on eut lieu de croire qu’ils voulaient s’y établir d’une manière définitive. La concentration de ces forces se fit à Montigny-le-Roi et à Nogent-le-Roi, les 23 et 24 avril de cette année ; on y passa en revue une centaine d’hommes d’armes et plus de trois cents archers. Parmi les capitaines placés à la tête de ces troupes, on peut citer Lancelot de Lisle, baron de Nouvion, Thomas Gargrave, capitaine de Montigny, Richard Lowilk, Guillaume Gloucester, Thomas Stone, Thomas Grett, capitaine de Nogent, Henri Biset et Jean de La Pôle. L’effectif des garnisons de Montigny et de Nogent, qui n’était que de six hommes d’armes et de trente-deux archers à la fin de 1426, fut alors porté à trente-six hommes d’armes et à quatre-vingt-quatorze archers. Sur cette frontière orientale de la Champagne, le pied de guerre était devenu pour ainsi dire l’état normal. Robert de Baudricourt désirait-il vivre en paix, ne fût-ce que pendant quelques semaines, avec tel ou tel des nombreux seigneurs anglo-bourguignons qui lui faisaient la guerre, il n’y pouvait parvenir qu’à la condition de conclure avec ce seigneur une trève en règle. Nous possédons le texte de l’une de ces trêves arrêtée