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se résout par un moyen bien simple et qu’a recommandé un ministre de la guerre[1]. Un certain nombre de jeunes gens ont acquis avant l’âge du service l’habitude du cheval. On les choisira pour les deux armes auxquelles leur aptitude les appelle, et comme ils auront seulement à acquérir les connaissances militaires, eux aussi seront faits en un an. Pourquoi s’arrêter même à cette limite ? Durant l’année, l’importance du travail est fort inégale : il y a des momens où il est à peu près arrêté. Si la loi nouvelle a congédié en septembre les soldats qui achèvent leur temps en novembre, si l’Allemagne les renvoie trois mois avant l’époque de leur libération, c’est qu’à ce moment l’armée ne s’instruit plus, elle se repose. Cette période de calme, régulière comme les saisons, commence et s’achève avec la brièveté des jours et la rigueur du climat : elle dure d’octobre à avril. C’est sur cette inégalité du travail qu’était fondé le service de quarante mois. Son inventeur, M. le général Faire, n’affirmait-il pas qu’en envoyant en congé durant un semestre les hommes il ne retardait pas d’une façon sensible leur instruction ? Un autre ministre, M. le général Lewal, n’a-t-il pas reconnu que « la perte totale est de plus de moitié du temps de service, » et qu’il s’écoule « plus de deux tiers d’année sur trois sans profit aucun ? » Cette intermittence d’efforts et de repos est nécessaire aux hommes qui demeurent plusieurs années au service. Mais si l’enseignement d’une année leur suffit, ce qui leur est utile dans ce laps de temps, c’est la période où l’enseignement se donne, ce n’est pas la période où il est suspendu. Il n’y a pas à leur ménager de repos, puisqu’ils n’auront pas à recommencer d’efforts. Il faut qu’ils entrent dans l’armée au moment où le travail commence, et qu’ils la quittent au moment où il se termine. Le service d’un an amène pour conséquence nécessaire le service de six mois.

Ce dernier n’a-t-il pas aussi ses titres ? N’a-t-il pas, après la loi de 1872, été appliqué à la seconde portion du contingent, créé par les hommes de guerre qui déclaraient ce délai suffisant pour instruire les soldats ? S’il suffisait aux conscrits de 1872, dépourvus de toute notion militaire, comment ne suffirait-il pas avec les conscrits de demain, formés dès l’enfance et rompus aux manœuvres des bataillons scolaires ? Ce noviciat qui les prépare de si loin n’est pas seulement un progrès, mais une révolution. Puisqu’il s’agit de

  1. L’artilleries, en effet, qui va être déchargée d’une grande partie de son instruction, par suite de la création d’une artillerie de forteresse distincte, et la cavalerie, dont le recrutement sera assuré avec soin en raison de la désignation exclusive pour cette arme des hommes sachant monter à cheval, pourront suffire en trois ans à leur programme d’instruction. (Lettre du général Thibaudin, ministre de la guerre, à la commission de l’armée, mai 1883.)