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à accepter la proposition de la Russie ? Nous aurons occasion d’expliquer ses hésitations ; elles ne cessèrent qu’après l’occupation de Merv et sous la pression de l’opinion publique, qui mettait le ministère en demeure d’arrêter les prétendus empiétemens de la Russie et d’assurer l’intégrité de l’Afghanistan. La dépêche du 29 avril 1884, par laquelle lord Granville déclarait « accepter la proposition mise en avant en 1882 et actuellement renouvelée par M. de Giers, pour une délimitation de l’Afghanistan dans la direction de l’ouest, à partir de Khoja-Saleh, « fut communiquée, le 5 mai, au gouvernement russe. Le 5 juillet 1884, il fut convenu qu’une commission mixte se rendrait dans le Turkestan et élaborerait sur place un projet de délimitation qui serait soumis aux deux gouvernemens : les commissaires devaient se trouver réunis à Sarakhs pour le 1er octobre. Le cabinet de Londres désigna comme commissaire en chef le général sir Peter Lumsden, et comme second commissaire le colonel Stewart, auxquels lurent adjoints un ingénieur topographe, M. Stephen Condie, et un certain nombre d’officiers d’état-major et du génie. Un régiment de cavalerie au complet de 600 sabres fut demandé aux autorités anglo-indiennes pour servir d’escorte ; avec le personnel de serviteurs, de cuisiniers, de porteurs, de muletiers et de chameliers, qui accompagne partout le moindre peloton de soldats anglais, cette escorte menaçait d’atteindre le chiffre de 2,000 hommes ; elle fut réduite par voie d’élimination à 1,500. Lorsque le gouvernement anglais se plaignit, comme d’un manque de procédés, qu’un simple colonel eût été mis à la tête de la commission russe, le cabinet de Saint-Pétersbourg répondit qu’il avait compris que les commissions seraient composées de quelques officiers et de quelques hommes spéciaux et non qu’elles constitueraient de véritables corps d’armée, dont les allées et venues pouvaient éveiller les susceptibilités de populations ignorantes et fanatiques, et provoquer les incidens les plus regrettables. Sans accroître le personnel de la commission russe, il appela à la diriger le général Zélénoï. Cette grave question d’étiquette réglée, la commission anglaise se mit en route en prenant la voie du Bélouchistan et de Khélat. Quand elle pénétra sur le territoire afghan, il lui arriva ce que les Russes avaient prévu ; les populations prirent une attitude hostile et l’émir Abdurrhaman déclina la responsabilité de ce qui pourrait advenir. La commission fit un grand détour pour éviter Hérat, dont les habitans avaient couru aux armes et emprunta le territoire persan pour gagner le cours inférieur de l’Hériroud ; elle y fut rejointe par le général Lumsden, qui avait quitté Londres le 4 septembre seulement pour recevoir les dernières instructions de son gouvernement, et qui avait pris, comme