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Tandis que La Hire, Jean Raoulet et Perrin de Montdoré ravageaient ainsi la partie occidentale du duché de Bar, Robert de Saarbruck, seigneur de Commercy, ne commettait pas moins de violences et d’exactions sur la frontière orientale de ce duché. Sous prétexte de droits de garde dont il prétendait être en possession, il se fit un jeu, pendant la seconde moitié de 1423, de piller et de rançonner la plupart des villages du Barrois, situés aux environs de Commercy ou qui avoisinent la rive gauche de la Meuse. Le village natal de la Pucelle ne fut pas épargné. Nous avons découvert à la Bibliothèque nationale, dans la précieuse collection de Lorraine, un acte par lequel les deux communautés de Domremy et de Greux prennent l’engagement de payer tous les ans à Robert de Saarbruck un droit de protection et de sauvegarde de deux gros par feu entier et d’un gros par feu de veuve. Parmi les trois témoins de cet acte, daté du 7 octobre 1423 et rédigé à Maxey-sur-Meuse, au nom de l’official de Toul, par Richard Oudinot, clerc notaire juré de la cour de Toul, figure « messire Guillaume Frontey, de Neufchâteau. » On n’a pas pris soin d’indiquer la qualité de ce personnage, mais nous savons d’ailleurs qu’il était alors curé de l’église paroissiale de Domremy. Le maire, l’échevin, le doyen et quatre notables de chacune des deux communautés, lesquelles, pour emprunter les expressions du notaire, dépendent l’une de l’autre, se portent pour tous les habitans de Domremy et de Greux. Entre ces quatorze noms obscurs, il en est un qui nous intéresse tout particulièrement, c’est celui du père de la Pucelle. En effet, dans l’acte du 7 octobre 1423, Jacques d’Arc est mentionné, avec la qualité de doyen, immédiatement après le maire et l’échevin de Domremy ; d’où l’on peut conclure, ainsi que nous en avons déjà fait la remarque, qu’il était à la tête des notables de ce village. Un des quatre notables du même village, Perrin le Drapier, et deux des quatre notables de Greux, Jean Collin et Jean Morel, vivaient encore trente-trois ans plus tard et déposèrent en 1456 dans le procès de réhabilitation. Jean Morel avait été l’un des parrains de la petite Jeannette d’Arc, et Jean Collin était marié à Catherine, sa sœur aînée. Pour amener les malheureux habitans de Domremy et de Greux, déjà grevés d’une foule de redevances envers le roi de France, le duc de Bar, divers seigneurs et abbayes, à assumer cette charge nouvelle, nul doute que le seigneur de Commercy n’ait dû recourir à la menace et aux vexations de tout genre dont il était coutumier ; aussi n’est-on pas surpris de lire dans les comptes du receveur de la prévôté de Gondrecourt, en 1423 et 1424, que la garde des hommes du duc de Bar dans ces villages ne rapporta presque rien pendant ces deux années, parce que le nombre de ces hommes s’était considérablement réduit et qu’il n’en restait pour ainsi dire plus.