Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Carcassonne, blessé et dévalisé quelques-uns des familiers des deux prélats. L’impunité des malfaiteurs avait presque égalé le scandale du méfait ; il avait fallu raser la forteresse de Sancy, près de Briey, appartenant à Henri de La Tour et frapper d’interdit le diocèse de Toul tout entier, pour obtenir la mise en liberté des victimes de cet audacieux coup de main.

Ces habitudes de brigandage étaient entretenues par les guerres privées dont la noblesse lorraine n’avait pas cessé de faire son passetemps de prédilection. Le 6 juillet 1419, le village de Maxey, situé de l’autre côté de la Meuse en face de Domremy, fut le théâtre d’un combat qui dut avoir du retentissement dans le lieu natal de Jeanne, alors âgée d’environ sept ans. Ce combat s’était livré entre Robert de Saarbruck, damoiseau de Commercy, et une troupe d’hommes d’armes à la solde des deux frères Didier et Durand de Saint-Dié ; ces derniers avaient déclaré la guerre au damoiseau et à Marie de Châteauvillain sa mère, parce qu’ils ne pouvaient obtenir réparation des dommages que leur avait jadis portés feu Amé de Saarbruk, époux de Marie et père de Robert. Le damoiseau remporta la victoire et fit prisonniers trente-trois des hommes d’armes enrôlés par les frères de Saint-Dié. Parmi ces prisonniers, mis à rançon par le vainqueur le 25 novembre suivant, figure Thiesselin de Vittel, de Neufchâteau, écuyer, dont la femme, Jeannette, avait été l’une des quatre marraines de la fille cadette de Jacques d’Arc, et dont le petit-fils, dit Thiesselin, de Domremy-sur-Meuse, obtint des lettres, confirmatives de noblesse et d’armoiries en 1495. Le damoiseau de Commercy et les frères de Saint-Dié avaient à peine déposé les armes, que la lutte recommençait dans la même région, entre Henri de Ville-sur-Illon, évêque de Toul, et Colard de Foug, possesseur de nombreux fiefs situés le long de la Meuse, sur la rive gauche de ce fleuve, depuis Ugny, au nord, jusqu’à Vouthon, au sud. Ce turbulent seigneur avait mis en prison un prêtre de Toul, et l’évêque l’avait frappé pour ce fait de la censure ecclésiastique. Colard de Foug avait alors ouvert les hostilités contre ce prélat qui, de son côté, avait pris des mesures de défense. Dans une rencontre entre les deux partis, Colard avait été tué, et l’évêque avait fait raser les châteaux appartenant à Mathilde de Naives, veuve de Colard, ainsi qu’à Milet, son fils, en même temps qu’il portait le ravage dans leurs seigneuries et confisquait leurs biens.

Le souverain du Barrois était alors Louis, dit le cardinal de Bar, fils de Robert, duc de Bar, et de Marie de France, fille du roi Jean, créé cardinal par Benoît XIII, le 21 décembre 1397, successivement évêque de Langres (1395-1413) et de Châlons (1413-1420), qui avait succédé comme duc de Bar, en 1415, à son frère aîné Edouard, tué à la bataille d’Azincourt. Caractère indécis et faible