combattant et conquérant, faisant de chacune de ses œuvres un champ de bataille, s’imposant par l’originalité d’un génie rénovateur, inégal et retentissant. Il a été le poète des coups d’éclat de la forme et des grandes sonorités dans ce siècle, avec l’impatience de tous les jougs et le goût de toutes les aventures de l’imagination.
Qui ne se souvient de cette grave et religieuse symphonie des Chants du crépuscule sur la cloche : — « Vaste et puissante cloche au battant monstrueux ? » — Tout le monde a lu et relira longtemps ces vers sur la cloche : — « Écho du ciel placé près de la terre, — Voix grondante qui parle à côté du tonnerre, — Vase plein de rumeur qui se vide dans l’air, » — la cloche, qui, au sommet de sa tour solitaire, vibre et résonne pour tous les triomphes comme pour tous les deuils, pour toutes les joies comme pour toutes les peines de la vie. C’est l’image du génie du poète. Victor Hugo, au milieu des agitations de son temps, a été cette cloche au timbre d’airain, perpétuellement vibrante et sonore. Il a eu, lui aussi, des chants pour toutes les gloires et pour tous les grands deuils, pour les fêtes publiques et pour les fêtes du cœur. Il a chanté les rois conduits à Saint-Denis et les rois détrônés par les révolutions, les princes à qui l’on promet l’avenir et qui vont mourir dans l’exil, Napoléon s’éteignant à Sainte-Hélène et ramené triomphalement aux Invalides, César et la liberté, les grandeurs qui s’écroulent et les peuples qui s’émancipent, les cathédrales revêtues de la mélancolie des siècles et la démocratie grandissante. On lui a reproché quelquefois comme une inconsistance cette variété d’inspirations, ces contradictions apparentes, et il a voulu expliquer lui-même ces contradictions par le développement progressif de son esprit, par la transformation légitime de ses idées sous l’influence de l’âge et du temps. La seule explication, c’est qu’il a toujours obéi à son instinct ; il a été l’âme vibrante à tous les souffles, l’écho retentissant de tous les bruits, des enthousiasmes et des colères de son temps, et tout ce qu’il a recueilli, il l’a reproduit, il l’a rendu à ses contemporains avec la profusion extraordinaire d’un des plus puissans artistes de la langue, avec la vigueur d’un génie fait tout entier d’imagination, de force, et de volonté. Victor Hugo n’a point été peut-être tout ce qu’il a cru être ; il a été certainement une des plus grandes imaginations de ce siècle et de tous les siècles. C’est par l’imagination qu’il a vécu et qu’il a tout vu ; c’est par elle qu’il a pénétré dans le monde intérieur, dans les mondes disparus, qu’il s’est donné le spectacle des hommes, des événemens, des révolutions, et c’est ce qui explique comment il a pris si souvent des images pour des idées, des antithèses pour des vérités, les jeux de sa fantaisie pour l’expression de la vie humaine. Avec cette imagination qui est sa faculté souveraine, qui a été son originalité, avec la force et la volonté qui sont aussi dans son génie, qui n’ont