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REVUE DRAMATIQUE

Odéon : l’Arlésienne.

« L’auteur ! l’auteur ! .. » criaient, l’autre soir, à l’Odéon, après la fin de l’Arlésienne, les spectateurs des hautes galeries. Les pauvres gens ! ils croyaient que la pièce était nouvelle : ils n’avaient pas eu de peine à s’y plaire. Ils n’étaient pas les seule, d’ailleurs, charmés par cette aimable prose et par cette admirable musique : pas plus que les naïfs, les délicats ne s’étaient défendus de cet enchantement. Les uns ignoraient que l’ouvrage avait subi une condamnation, en 1872, au Vaudeville ; les autres ne s’en souciaient guère. Ceux-ci et ceux-là, dans leurs diverses places, avaient goûté sans scrupule ce rare mélodrame ; — on nous pardonnera, pour une fois, de prendre le mot dans son sens propre : un drame accompagné, en quelques endroits, de mélodie. — Ceux-ci et ceux-là pareillement avaient senti les effets de cet accord unique entre un écrivain de la valeur de M. Alphonse Daudet et un compositeur comme celui de Carmen.

L’enthousiasme était donc général ? Un flot d’admiration toute pure emplissait les couloirs pendant les entr’actes ? Hélas ! il faut le dire, un filet de méchante humeur y courait encore. Entre les simples d’esprit et les artistes revenus à la simplicité par grand amour de l’art, il y a toujours dans les théâtres, et surtout aux premières représentations, un parti de gens mal cultivés qui chicanent contre leur plaisir. Familiers des salles de spectacle, ils y siègent comme des juges : ils ne se laissent émouvoir et divertir que dans certaines conditions, selon