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croire que, si ce point de vue n’est pas illégitime, il en est un plus juste, un meilleur, un plus vrai surtout pour l’appréciation des œuvres de la littérature et de l’art.

Sous le bénéfice de ces observations et de ces distinctions, nous nous retrouvons d’accord avec M. Gaston Paris, et, tout en doutant que la littérature française du moyen âge ait l’importance qu’il lui accorde « pour l’intelligence du développement de notre conscience nationale, » il ne nous parait guère moins bon qu’à lui-même qu’elle ait une part, une petite part, une toute petite part, « sagement restreinte, » dans la culture générale, dans l’instruction des lettrés, et, si l’on veut enfin, jusque dans l’éducation populaire. Ce qui est dangereux, en effet, ce n’est pas qu’une science quelconque ait sa place, plus ou moins considérable, dans un système et sur des programmes d’éducation, c’est que l’on se méprenne sur ce que j’appellerai son importance vraie dans l’histoire totale de l’humanité. Si l’on veut donc bien convenir qu’ayant d’ailleurs un réel intérêt historique, la littérature française du moyen âge n’a qu’une valeur esthétique médiocre, pour ne pas dire nulle, nous en convenons aussi nous très volontiers, et, pour finir par où nous avons commencé, nous nous engageons à ne pas « dénigrer » la littérature française du moyen âge dès que l’on voudra bien, d’autre part, l’exalter un peu moins, « avec plus de mesure, » comme dit très bien M. Gaston Paris, et avec « plus de jugement. » La vie n’est qu’un échange de concessions mutuelles, dit le sage, et, quand on le peut, de bons procédés.

C’est pourquoi nous ne saurions prendre congé de M. Gaston Paris sans signaler au lecteur quelques-uns des points les plus intéressans de son volume. J’ignore le prix qu’il attache au morceau sur le Pèlerinage de Charlemagne et sur les Versions françaises de l’art d’aimer au moyen âge, mais quelque cas qu’il en fasse lui-même, je crains que nous n’en fassions encore un peu moins que lui. L’un et l’autre ont été lus en séance publique de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Je dirai donc qu’il me semble évident, d’après eux, que quand l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres s’assemble en séance publique, ce n’est pas pour se divertir. Je crois au contraire qu’une leçon, déjà datée de quinze ans, sur les Origines de la littérature française garde encore aujourd’hui presque toute sa valeur. Mais j’apprécie particulièrement deux morceaux plus récens : l’Ange et l’Ermite, et Paulin Paris et la Littérature française du moyen âge.

Dans le juste hommage rendu publiquement par lui-même à son père, il nous suffira de dire que M. Gaston Paris a fait preuve d’autant de mesure et de tact que de respectueuse liberté d’esprit. Nous pouvons dire quelque chose de plus de chacun des deux autres. Dans le morceau sur les Origines de la littérature française, M. Gaston Paris a