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M. GLADSTONE
ET LES
EMBARRAS DE LA POLITIQUE ANGLAISE

Les Anglais n’ont jamais été plus mécontens d’eux-mêmes et des autres. Ils se plaignent que la fortune leur est contraire, qu’ils ont essuyé dans ces derniers temps des contrariétés, des dégoûts, de graves déconvenues, que l’homme qui les gouverne depuis cinq ans n’a pas de chance, que c’est un joueur battu de l’oiseau, poursuivi par la déveine. Ils ont même une disposition marquée à exagérer encore leurs malheurs, à creuser dans le noir. Les Anglais sont à la fois très orgueilleux et très enclins à se dénigrer, à se calomnier. Ils sont superbes et hautains quand ils se comparent aux autres peuples ; ils sont humbles et contrits quand ils ont des chagrins et que les événemens semblent contredire l’idée qu’ils se font de leur destinée, de leur mission dans le monde. Travaillés par le spleen, ils se prodiguent à eux-mêmes les âpres vérités ; ils croient facilement à leur décadence, ils se donnent pour des malades dont le cas est intéressant. Nous lisions dernièrement dans un livre assez piquant sur la société de Londres que les médecins sont fort en crédit chez nos voisins : « L’esprit du temps est favorable à leur influence. Jamais les Anglais n’ont été si portés à s’examiner, à s’ausculter, à croire qu’il y a quelque chose de dérangé dans leur morale ou dans leur digestion, dans leur conscience ou dans leurs poumons. Ils composent et récitent sans cesse des homélies sur la détérioration physique ou spirituelle de leur race. Et cependant on peut poser en fait que du nord au midi, nulle part