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musulman. L’un des premiers pas que l’on fit dans cette voie fut notamment la régularisation des vakoufs. Le gouvernement austro-hongrois partit de ce principe que le caractère primordial des vakoufs ne devait pas être modifié ; il n’eut pas un instant la pensée de séculariser leurs immenses possessions ou de les employer à un autre objet que celui auquel ils étaient consacrés ; il s’appliqua, au contraire, à ce qu’ils restassent affectés à leur destination première ; mais il dut veiller à ce que leurs revenus fussent employés dans le pays même, à ce que les excédens ne fussent pas envoyés au dehors, à ce que l’administration des vakoufs de Bosnie et de l’Herzégovine fût absolument indigène. Il dut veiller surtout, pour répondre aux vœux de la population, à la perception des fonds des vakoufs. Elle avait été faite jusque-là de la manière la moins régulière, avec une négligence extrême ; il fallut mettre un terme à cet abus. A cet effet, un décret impérial du 25 mars 1883 institua une commission régionale des vakoufs avec mission de contrôler tout ce qui concernait ces biens dans les deux provinces. A la tête de cette commission fut placé le bourgmestre de Serajewo, Mustapha-bey Fazilparic, qui appartient à la classe des ulémas. A côté de lui siègent plusieurs notables musulmans ayant les connaissances requises, un employé du gouvernement initié à la législation turque, et deux employés musulmans payés sur les fonds des vakoufs, savoir l’inspecteur des propriétés ecclésiastiques et un caissier comptable qui est lui-même assisté du personnel nécessaire. Cette administration spéciale, qui a été complétée en 1884 par l’adjonction de diverses commissions locales, s’occupe avant tout de dresser la liste complète de tous les biens vakoufs existant dans le pays, de vérifier les comptes de gestion, ainsi que de choisir et de contrôler les gérans des propriétés. En l’année 1884, on a inscrit sur le tableau général 368 vakoufs avant ensemble un revenu de 167,000 florins.

Grâce à ce contrôle soigneusement exercé, on a reconnu que les revenus des vakoufs se soldaient avec un excédent d’une certaine importance, excédent qui peut servir à créer un fonds pour subventionner les édifices religieux et les écoles musulmanes. Jusqu’ici, le gouvernement austro-hongrois a accordé à ces écoles et à ces églises des secours analogues à ceux qu’il donne aux églises et aux écoles chrétiennes, et, si ces subventions ont atteint un chiffre un peu moins élevé que celles des établissemens chrétiens, cela tient uniquement à ce que les ressources des cultes musulmans et des vakoufs étaient déjà bien mieux organisées au moment de l’occupa-que celles des autres confessions. Il était donc à peu près inutile de leur venir en aide, sauf dans certaines contrées que la guerre civile