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fois qu’en Orient surtout, le Vatican a su faire fléchir dans la pratique le principe de l’unité de l’église ; ajoutons que le pape actuel sait mieux que personne ménager les traditions locales, tout en maintenant intacts les dogmes de la foi et ce qu’il y a d’essentiel dans la discipline. Il ne faut donc pas s’étonner qu’après avoir proclamé ses droits et assuré sa liberté d’action pour l’avenir, en annulant théoriquement tous les privilèges de l’église de Bosnie, la curie romaine les ait laissés néanmoins subsister, pour satisfaire l’Autriche-Hongrie et éviter de graves difficultés, du moins en tout ce qui ne s’opposait pas à la sécularisation successive de cette église. Ainsi, on s’est contenté de créer d’abord l’archevêché avec un grand chapitre occupé par des prêtres séculiers et de fonder les institutions nécessaires à l’éducation de ces prêtres, en abandonnant aux franciscains l’œuvre pastorale, et en tenant même un grand compte d’eux dans l’installation des évêchés.

En automne 1881, la cour de Vienne s’entendit avec Rome pour la nomination d’un prêtre séculier et professeur de théologie à Agram, le docteur Joseph Adler, comme archevêque de Serajewo, et d’un franciscain de Bosnie, fra Paschal Bucoujié, qui avait déjà exercé les fonctions de vicaire apostolique de Mostar, comme évêque de cette ville. Tous deux furent préconisés à Rome à la fin de l’année et les chanoines de Serajewo furent choisis à la même époque. Le traitement de l’archevêque est de 8,000 florins, avec 1,500 florins pour son logement et 1,000 florins pour son secrétaire ; celui des chanoines, de 2,000 florins ; celui de l’évêque de Mostar, de 0,000 florins, et celui de l’administrateur épiscopal de Banjaluka (nommé en 1884), de 3,000 florins. En novembre 1881 fut également décidée l’installation, à Travnik, d’un séminaire catholique. Il dut être confié aux jésuites de la province d’Autriche-Hongrie, car on ne trouvait ni en Bosnie, ni en Herzégovine, ni dans les pays sud-slaves avoisinans des hommes capables de remplir cette mission, et on ne pouvait s’adresser ailleurs à cause de la nécessité de connaître la langue nationale. Les jésuites seuls avaient des maîtres au courant de cette langue et habitués à la pédagogie ; de plus, leur richesse leur permettait de fournir eux-mêmes les sommes nécessaires à la fondation du séminaire. On s’adressa donc à eux, et jusqu’ici aucune des confessions de Bosnie ne s’est plainte de leur action. Au séminaire a été annexée une école de garçons qui est organisée comme un gymnase complet de huit classes et où les élèves de tous les cultes sans distinction sont admis en qualité d’externes. Quant aux séminaristes proprement dits, leur nombre a été fixé de façon qu’il sorte du séminaire cinq ou six prêtres chaque année, afin qu’en vingt ans toutes les paroisses de Bosnie et