Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/644

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

muftis, qu’on a parfois considérés comme des évêques musulmans, n’ont pas d’attributions définies ; ils ne donnent leur avis que lorsqu’on le leur demande. Il n’y a, dans les états mahométans, ni diocèses, ni rien qui ressemble à une hiérarchie épiscopale.

C’est de cette façon si simple, si peu compliquée, qu’était organisé le culte mahométan en Herzégovine et en Bosnie, où il était répandu sur toute la surface du pays, et où il embrasse encore aujourd’hui environ 4 pour 100 de la population. Les communes ecclésiastiques mahométanes, dans les provinces occupées, n’avaient aucun chef ecclésiastique ; elles dépendaient toutes de Constantinople. C’est dans la capitale de l’empire qu’étaient prises les décisions relatives à l’emploi des fonds des vakoufs ; c’est là qu’étaient examinés les candidats à la dignité d’ulémas et que ces élus recevaient leurs grades ; c’est là aussi qu’étaient nommés les juges ecclésiastiques pour tous les cantons du pays. Au fond, cette dépendance de Constantinople ne répondait nullement aux désirs des musulmans bosniaques. Ils avaient depuis longtemps, comme nous l’avons dit, manifesté des aspirations à l’indépendance, aussi bien en matière religieuse qu’en matière politique. Nous avons vu avec quelle ténacité ils ont combattu, dans la première moitié de ce siècle, pour le maintien de leurs privilèges. Lorsqu’ils eurent été complètement soumis par Omer-Pacha, leurs sentimens à l’égard du gouvernement turc n’en devinrent pas meilleurs. Ils continuèrent à témoigner la plus grande méfiance, non-seulement aux fonctionnaires civils qui leur venaient de tous les points de l’empire, mais aussi aux fonctionnaires ecclésiastiques, muftis, cadis et autres, qui avaient la même origine.

L’organisation des deux cultes chrétiens en Herzégovine et en Bosnie était à peu près la même que partout ailleurs ; pourtant elle présentait, dans ce pays, quelques particularités qu’il faut signaler. L’église orthodoxe orientale compte, dans les provinces occupées, environ un demi-million d’habitans, c’est-à-dire un peu plus de 40 pour 100 de la population. Depuis l’année 1737, c’est-à-dire depuis que le patriarche résidant autrefois à Ipek, dans la vieille Serbie, s’est définitivement transporté à Carlovitz, en Slavonie, elle relève, on l’a vu, sinon en droit au moins en fait, de la juridiction du patriarche grec de Constantinople (le patriarche œcuménique). Pendant longtemps, elle n’a compris que le seul évêché de Dabar (dans la vallée du Lim) qui a été transporté, après la conquête turque, à Serajewo. Plus tard, elle s’est divisée en trois éparchies qui subsistent encore aujourd’hui, et qui sont administrées chacune par un évêque spécial (vladika). Ce sont les éparchies ou diocèses de Bosna (ou Serajewo), de Mostar et de Zwornik, ce dernier ayant son siège à Tuzla. Les évêques prenaient aussi parfois