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bâtissaient des églises. Sous le gouvernement du sultan, Soliman-EI-Hammi (le législateur), ils suivirent les armées turques, exhortant les prisonniers, secourant les mourans. Soliman et son successeur Selim II approuvaient leur zèle ; ce dernier sanctionnait leurs privilèges par plusieurs firmans et Amurat III ne les traitait pas avec moins de faveur. Jusqu’à cette époque, ils avaient vécu dans des rapports assez paisibles avec les Grecs orientaux ; mais vers la fin du XVIe siècle de grandes inimitiés éclatèrent entre eux et les vladikas, évêques grecs. Ce fut aussi une période de crise pour l’église de Bosnie. Comme leurs intérêts dépendaient de leur zèle religieux, les renégats bosniaques étaient devenus d’ardens musulmans. Les Grecs orientaux souffraient le plus, parce qu’étant vassaux des beys, ils étaient les premiers exposés à leurs vexations. Plus pauvres, occupés de travaux de mines ou simples journaliers, ces catholiques trouvaient une protection dans leur médiocrité même. De plus, la papauté, surtout sous Sixte V, n’épargnait rien pour leur venir en aide. Quelques pachas, comme Mustapha-Pacha en 1593-1659 les favorisaient même, en sorte que la plupart de leurs paroisses purent subsister le long de la Save. Plusieurs évêques exerçant les droits des prêtres séculiers parcouraient l’Herzégovine et la Bosnie, soutenaient les errans et les hésitans dans leur foi et célébraient les exercices du culte. Au XVIIe siècle, principalement sous le pape Urbain VIII, les droits des prêtres séculiers furent de plus en plus confiés aux franciscains, et tous les évêques sortirent exclusivement de leur ordre. En 1635, le pape permit aux franciscains de lui proposer trois candidats pris dans leurs rangs chaque fois que l’évêché de Bosnie deviendrait vacant, sans se reconnaître néanmoins absolument obligé de se soumettre à cette désignation. Les évêques franciscains étaient généralement des hommes d’une conduite religieuse irréprochable et toujours habiles à obtenir des Turcs de nouveaux avantages. Leur ordre progressait sans cesse, matériellement aussi bien que moralement. En 1688, ils payaient aux Turcs 1,660 pièces de ducats vénitiens pour reconnaître la protection dont ils jouissaient. Vers le même temps, ils obtenaient encore le droit de dire la messe partout où il leur plairait.

A la fin du XVIIe siècle, la puissance militaire de l’empire ottoman commença à décroître. Le siège sans résultat de Vienne, la reprise de Bude, les succès de Charles de Lorraine, de Louis de Bade et d’Eugène de Savoie firent trembler son prestige jusque-là inébranlé. Malheureusement, ce furent les chrétiens des Balkans qui subirent la colère que l’émancipation de la Hongrie avait causée aux Turcs. Les couvens de Bosnie furent tous brûlés, les moines franciscains et les prêtres orientaux furent chassés, le peuple sans clergé ne