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nullement absent des phases précédentes, mais il y était subordonné à des idées plus importantes aux yeux du philosophe, parce qu’elles constituaient la part d’indépendance et de personnalité qu’il revendiquait en philosophie. Il y a donc ici, non un changement essentiel, mais un changement de plan et de perspective, et aussi quelques additions notables et quelques suppressions notables qui sont le progrès naturel de la pensée.

Il est très vrai de dire que les principes spiritualistes de notre philosophe n’avaient jamais manqué à aucun de ses écrits. Il ne faut pas oublier que le terme de spiritualisme, en philosophie, a surtout rapport à la question de l’âme et non à la question de Dieu. Il s’oppose au matérialisme, non au panthéisme. Il relève de la psychologie plus que de la cosmologie et de la théologie. C’est en psychologie que M. Vacherot est et a toujours été spiritualiste : c’est en cosmologie, nous l’avons vu, qu’il a séparé le théisme du spiritualisme ; et encore, en maintenant un théisme idéal, il prétendait rester fidèle à la tradition spiritualiste.

Déjà, en 1846, dans l’article Conscience, publié par le Dictionnaire des sciences philosophiques, article qui fut fort remarqué à cette époque, M. Vacherot exprimait, avec l’ampleur qui caractérise sa manière, le nouveau spiritualisme d’alors, celui de Maine de Biran. Ce spiritualisme se distinguait de celui de Royer-Collard et de Cousin en ce que, pour ceux-ci, la conscience n’allait pas au-delà des phénomènes et des actes du moi et que l’induction seule pouvait s’élever jusqu’aux substances, tandis que, suivant Maine de Biran, la conscience pénétrait au-delà des phénomènes, atteignait la cause elle-même, le principe de nos actes, l’âme dans son être et dans son fond. Voici comment M. Vacherot résumait cette doctrine, alors très neuve, et qui fut admise immédiatement par toute l’école spiritualiste : « Le moi n’a pas seulement conscience de ses actes et de ses facultés ; il a conscience du fond même de son être, puisque le fond de son être c’est la simplicité, la causalité, la personnalité, la liberté. Il se sent donc comme substance, comme âme, comme esprit… S’il y a des mystères dans la science de l’homme, c’est au-delà du moi qu’ils commencent. » Et, caractérisant la nature de l’âme, il disait : « Qu’est-ce que l’âme ? Une cause, une force simple, spontanément active, principe et centre de tous les mouvemens de la vie extérieure… L’unité, la simplicité, l’activité spontanée, ne sont pas les attributs d’un être mystérieux, d’une substance indéfinissable et inaccessible qu’on nommerait l’esprit… Le moi est le vrai type de l’âme ; la conscience, le vrai sanctuaire de la vie spirituelle. »

Dans le livre de la Métaphysique et la Science, l’auteur maintenait la même doctrine. C’est, comme on sait, un dialogue entre