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se placent au centre de la vérité absolue et mettent en péril la personnalité humaine ; c’est dans la détermination du rapport entre ces deux termes (absolu et relatif) qu’est le principe de la diversité ; mais c’est dans la prépondérance du principe spirituel, à quelque étage que l’on s’arrête, que réside l’unité de doctrine.

Nous aurons à rechercher jusqu’où et dans quelle mesure M. Vacherot, dans son récent ouvrage, exprime la pensée spiritualiste. Mais, doctrine à part, on ne peut que s’intéresser vivement au testament philosophique de l’un des écrivains de notre temps qui a le plus travaillé pour la science et pour la philosophie. Il a voulu s’interroger pour nous dire son dernier mot. Rien de plus noble, rien de plus touchant que ce grand effort. L’activité d’un esprit toujours éveillé, qui se travaille sans cesse pour trouver les formes les plus adéquates de sa pensée, la possession d’innombrables matériaux métaphysiques recueillis et rassemblés dans tous les âges et maniés par l’auteur avec une aisance et une compétence merveilleuses, une largeur et une abondance de style qui font penser à Malebranche (y compris peut-être quelque diffusion), une noblesse constante de pensée, voilà ce qu’on ne peut méconnaître dans le livre de M. Vacherot. Nous ne dirons pas que tout y soit neuf et que tout y soit cohérent ; mais il y a cette nouveauté relative qui consiste dans le progrès d’une pensée individuelle, et cette harmonie qui, sans être toujours dans la lettre, est du moins dans l’esprit. Pour nous, le véritable intérêt de l’ouvrage sera dans la comparaison de cette œuvre avec les œuvres précédentes du même auteur : c’est une occasion pour nous de revenir sur l’ensemble de l’œuvre de M. Vacherot et de déterminer sa place et son rôle dans la philosophie contemporaine.


I

La carrière philosophique de M. Vacherot peut se diviser en trois périodes : la première est surtout consacrée à l’histoire de la philosophie ; mais de cette histoire il dégage une doctrine qu’il ne développe pas encore, à savoir la doctrine de l’unité de substance. C’est l’époque de l’Histoire de l’école d’Alexandrie. Dans la seconde, il abandonne l’histoire pour la science pure. Il construit toute une métaphysique sur la base d’une distinction des plus importantes : la distinction de l’être infini et de l’être parfait. C’est l’objet de sa plus grande œuvre : la Métaphysique et la Science. Enfin, dans la dernière période, il développe avec plus d’insistance les élémens psychologiques de sa doctrine. Il défend la psychologie et la conscience contre les écoles nouvelles, positivisme et matérialisme, et il se montre surtout et hautement disciple de Maine de Biran. Si l’on