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LE
TESTAMENT D'UN PHILOSOPHE

E. Vacherot, le Nouveau Spiritualisme. Paris, 1884 ; Hachette

Un homme d’un esprit élevé et d’un caractère respectable, connu par un livre philosophique qui n’est pas sans originalité : le Système moral, M. Charles Lambert, mort récemment, a fondé un prix, accepté par l’Institut, sur ce sujet : l’avenir du spiritualisme. Si nous étions encore dans l’âge des concours, nous eussions aimé à être au nombre des concurrens. Nous nous sommes, en effet, bien souvent interrogé sur ce redoutable problème : nous nous sommes demandé quelles peuvent bien être encore, dans la société moderne divisée par tant de courans d’idées, les espérances des idées spiritualistes. S’il fallait en croire les apparences, ne seraient-ce pas plutôt les idées contraires qui sont de plus en plus envahissantes et menaçantes ? Voyez, dira-t-on, la science ; dans son développement progressif, ne donne-t-elle pas de plus en plus raison aux doctrines matérialistes ? Les esprits les plus libres ne se portent-ils pas de ce côté ? Soit ; mais je n’ai pas besoin d’autres faits pour déjouer l’illusion dont on est dupe. Qu’invoque le matérialisme en sa faveur ? La science et la liberté de penser : or, ce sont là deux choses toutes spirituelles. Ce que le matérialiste aime dans sa doctrine, ce n’est pas la matière, c’est de jouir de son propre esprit : c’est cet esprit qu’il contemple dans les lois de la nature et dont il s’enorgueillit dans sa révolte contre les dogmes consacrés. Mais quoi ! dira-t-on, cette société n’est-elle pas vouée aux luttes des intérêts matériels, aux luttes prosaïques du commerce et de l’industrie ? Je le veux bien ; mais d’où viennent le commerce et