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programme de la république modérée, dans son discours de Saint-Pol. La question électorale, telle qu’elle va se débattre entre les partis, en est-elle beaucoup plus claire et surtout plus avancée? C’est ce qu’on peut encore se demander, tout en souhaitant le succès à un si généreux effort.

Assurément ce discours de Saint-Pol est d’un orateur expérimenté et habile, qui sait ce qu’il dit et ce qu’il veut dire; il est plein d’intentions honnêtes et de jugemens sensés. Il retrace avec autant de mesure que de justesse les fautes, les violences, les imprévoyances de la politique républicaine, pendant ces dernières années. Le discours de Saint-Pol est une critique avisée de ce passé d’hier et un sage programme pour l’avenir. Il n’y a qu’un malheur, M. Ribot, comme bien des hommes d’un groupe dont il est un des orateurs, semble toujours craindre de se brouiller avec la république, d’être traité en simple réactionnaire, en monarchiste déguisé, et pour sauver son orthodoxie, il se croit tenu à faire des concessions, des déclarations un peu banales. Rien de mieux, certes, que de croire à la république, puisque la république existe, et de s’efforcer de l’améliorer; mais c’est une singulière illusion, on l’avouera, d’attribuer à la république des titres et des privilèges que les autres gouvernemens n’ont pas eus, de la proclamer, dès ce moment, définitive et durable, de la représenter comme « le terme logique de ce travail qui s’est fait depuis un siècle dans les esprits... » Mon Dieu! tous les régimes depuis un siècle ont eu la même ambition; ils ont tous cru qu’ils seraient définitifs, éternels, qu’ils étaient nécessaires, et ils avaient plus ou moins des raisons de le croire. La première république, pour assurer son éternité, a supprimé tout ce qui rappelait le passé, tout ce qui lui résistait, et elle n’est pas moins morte à la fois « dans le sang et dans l’imbécillité! » L’empire s’est donné comme le couronnement définitif de la révolution pacifiée, organisée, décorée de gloire, — et il a péri. La restauration elle-même a pu penser qu’elle venait mettre fin à toutes les épreuves, en donnant à la société moderne, désormais constituée et garantie, la force des traditions renouées. La monarchie de juillet est venue, et cette fois pour sûr on avait la grande transaction attendue, la véritable alliance des traditions conservatrices et des idées modernes. La monarchie populaire, consentie, c’était le dernier mot de l’histoire, d’éminens philosophes-historiens l’ont dit et l’ont prouvé. —Et puis on a recommencé à tourner dans le même cercle de vaines tentatives et de prétentions chimériques. La vérité est que tous les régimes ont été jusqu’ici, à tour de rôle, le dernier mot de l’histoire, le a terme logique du travail du siècle ; » ils ont tous cru pouvoir fixer à leur profit la marche des choses, jusqu’à ce que la réalité soit venue prouver qu’il n’y a pas de gouvernement qui puisse se flatter d’être une nécessité permanente et invariable. La république n’a pas de privilèges