Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/420

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui le seconda puissamment dans ses vues. La marche en avant du détachement Mouratof, en décembre 1883, étant considérée par les Merviens comme une démonstration offensive, ils eurent peur : conseillés par Alikhanof, ils libérèrent tous leurs esclaves et envoyèrent à Askabad une députation composée de vingt-quatre délégués représentant les grands ariks de l’oasis, ayant à leur tête Youssouf-Khan, Maïli-Khan, Sary-Batir-Khan et Beg-Mourad-Khan, chefs des quatre tribus des Tekkés-Merviens, qui prêtèrent serment de fidélité à sa majesté l’empereur de Russie entre les mains du général Komarof le 31 janvier 1884.

Le 3 mars, les troupes russes arrivèrent devant Kaouchout-Khan-Kala, chef-lieu de l’oasis, où les mécontens, excités à la révolte par l’Afghan Siak-Pouch, tentèrent une résistance promptement étouffée, et le 30 avril, le prince Dondoukof-Korsakof, gouverneur du Caucase, y fut reçu avec enthousiasme par les indigènes. Il apportait de la part du tsar de riches présens à Gouldjamal, dont l’attitude avait grandement contribué à l’occupation pacifique de l’oasis. Le 26 mai, le prince put envoyer à Saint-Pétersbourg un rapport certifiant la tranquillité complète des Merviens, ainsi que la fin des brigandages dans cet ancien repaire de malfaiteurs. Peu après, la tribu turcomane des Saryks, forte d’environ 13,000 kibitkas, occupant un peu plus au sud, sur le Mourgab, l’oasis de Yol-Otan, imita l’exemple des Tekkés de Merv. La soumission de l’Atek, s’étendant de Chiaours à Sarakhs, et formant le prolongement de l’Akhal, suivit de près. Là aussi, les terres productives alternent avec des sables ou des espaces rocailleux d’une grande étendue. La partie la plus peuplée de l’oasis se trouve entre Lutfabad, habité par des Iraniens, et Kaakhka, bourg de 600 maisons. Depuis la soumission des Tekkés, et avant l’occupation russe, les ilkhaniskourdes, gouverneurs des provinces limitrophes de Déréghez et de Kélat, prélevaient des impôts sur les aouls de l’Atek, dont la fertilité dépend des cours d’eau qui prennent leurs sources dans ces deux provinces. Sarakhs,. situé à 280 verstes d’Askabad, est un fortin persan sur la rive gauche du Hériroud; à quatre verstes de là, sur la rive opposée, se trouve l’ancien Sarakhs, actuellement occupé par les Russes. Ce point stratégique important, au carrefour de plusieurs routes, était jadis une grande ville; aujourd’hui, ce n’est qu’un village turcoman en ruines bâti sur une hauteur.

L’amnistie générale que Skobélef accorda aux défenseurs de Ghéok-Tépé, même à ceux qui s’étaient réfugiés à Merv, ainsi que l’impression produite par le couronnement de Moscou sur les délégués turcomans, furent en grande partie la cause pour laquelle ces peuplades se soumirent volontairement au tsar blanc, si terrible dans les batailles, mais si généreux après la victoire.