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adultes, généralement sillonné de blessures, et ne se soulèvent qu’avec les plus grandes précautions ; le Tekké prétend que l’air et le soleil surtout sont nuisibles à cette partie si délicate de l’épine dorsale.

C’est sur ces feutres que repose la selle en bois et en corne, ressemblant au bois de l’ancienne selle hongroise, privée de panneaux, et dont le pommeau, en fer de lance, est très allongé. La première couverture, d’un tissu multicolore de soie et coton, couvrant le cheval de la naissance du cou à la croupe, se passe par-dessus la selle et se croise sur le poitrail, puis un second feutre plus grand recouvre le cheval depuis les oreilles jusqu’à la naissance de la queue ; enfin une troisième couverture, généralement blanche et richement brodée, complète l’accoutrement du coursier. Cinq ouvertures sont ménagées dans tous les feutres pour laisser passer le pommeau de la selle, les étrivières et la dernière sangle, qui fait entièrement le tour de cette vaste enveloppe qui ne quittera le cheval qu’aux jours des grandes courses ; le reste du temps, été comme hiver, nuit et jour, le coursier du désert restera couvert de ses chauds vêtemens. C’est, disent les Tekkés, pour que la graisse de nos montures fonde; et, de fait, elles n’ont que des muscles. L’épiderme et le poil, par suite de cet excès de couvertures, sont d’une finesse comme on ne les voit chez aucun autre cheval ; le poil luisant produit des robes invraisemblables, des alezans couleur bronze et vieil or, d’un effet surprenant au soleil.

L’entraînement du cheval est parfaitement entendu par les Tekkés ; tout en développant son action, ils arrivent à réduire sa nourriture et surtout l’eau à un minimum increvable ; la luzerne séchée se remplace par de la paille hachée, et notre avoine par de la farine d’orge mélangée de graisse de mouton. Les Turcomans font usage de peu de remèdes dans les maladies des chevaux ; les saignées, la diète et les traitemens empiriques jouent un grand rôle ; j’ai néanmoins appris chez eux plusieurs procédés de traitement qui m’ont rendu de bons services. Ainsi j’ai guéri les boiteries d’épaule en appliquant un feutre préalablement bouilli dans de l’eau saturée de sel; quant aux blessures de garrot, si fréquentes en voyage, grâce au traitement tekké, elles ne m’ont jamais mis un cheval hors de service. Après avoir lavé la blessure avec de l’eau tiède, je faisais appliquer pendant la nuit une pâte de crottins de cheval délayés dans de l’eau chaude ; le lendemain, après un lavage consciencieux, toujours à l’eau tiède, un morceau de feutre carbonisé, posé sur la blessure, la cicatrisait dans les vingt-quatre heures.

Lorsque le cheval est dessellé, les couvertures sont maintenues par une sangle faisant quatre fois le tour du corps ; le premier tour