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semblable : voilà le ressort moteur des idées et souvenirs dans la conscience.

Il est certain que la classification, qui, au premier abord, paraît une fonction tout intellectuelle et rationnelle, renferme un côté mécanique et fonctionne d’abord comme une merveilleuse machine à calculer. Grâce à l’organisation du cerveau, produit de l’accumulation des siècles, chaque impression vient d’elle-même se placer dans sa case, qui, à son tour, vient se placer dans une case plus grande, et celle-ci dans une autre, comme par un emboîtement successif. Le seul tort de M. Spencer est d’avoir immédiatement identifié cet emboîtement des images similaires avec la conscience de leur similarité, qui a besoin d’une explication particulière, et avec la reconnaissance de la similitude entre le passé et le présent, opération encore plus compliquée. M. Spencer n’en a pas moins le mérite d’avoir posé la loi qui nous permet de ramener à l’unité les deux opinions en présence relativement à l’association des idées. Point de contiguïté, dirons-nous, sans similarité. Objectivement, la contiguïté elle-même est une espèce de similarité, sous le rapport de l’espace et du temps, car c’est une rencontre dans un même temps et dans un même espace, qui aboutit toujours à une certaine fusion des mouvemens les plus opposés dans une forme commune de mouvement. Subjectivement, la contiguïté devient toujours, pour la conscience, une certaine similarité. Le seul fait de s’apercevoir que des choses disparates coïncident, comme une vive lumière, un son, une douleur, est déjà une conscience de similitude au sein même de la différence. Ce jugement suppose une réaction de la conscience par rapport aux sensations qui lui arrivent, et c’est cette réaction qui constitue la synthèse mentale. Cette synthèse, sans doute, ne peut avoir lieu qu’entre des termes déjà donnés par un pur automatisme, mais la conscience achève et perpétue la soudure déjà commencée par la simple coïncidence mécanique.

Il résulte de ce qui précède que l’association a divers stades. Au plus bas degré, le cerveau peut lier des impressions indépendamment de l’intelligence, sinon d’une sourde sensibilité. Nous pouvons ensuite nous souvenir et prendre conscience d’une coïncidence qui s’était marquée mécaniquement dans le cerveau sans avoir été alors remarquée par l’intelligence. Parfois aussi, les termes intermédiaires entre deux idées conscientes échappent eux-mêmes à la conscience. On sait que Hamilton comparait ce phénomène à la transmission du mouvement à travers une rangée de billes : la première se meut, les billes intermédiaires n’ont qu’un mouvement intestin, la dernière a un mouvement visible. Rappelons encore que, quand les vibrations cérébrales sont trop rapides ou trop uniformes,