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Retournons-nous maintenant du côté de la conscience, et nous allons voir la fécondité de cette loi. Quand deux impressions ont pour siège des parties contiguës et similaires du cerveau, sous quelle forme apparaîtront-elles à la conscience ? Précisément sous la forme de représentations semblables. En effet, des représentations de même qualité pour l’esprit, comme la couleur rouge, la couleur rose, la couleur pourpre, sont des représentations de même siège dans le cerveau : les représentations visuelles ont pour siège commun les centres visuels du cerveau ; les représentations de l’ouïe ont pour siège commun le centre auditif ; notre cerveau a des casiers tout faits à l’avance, tout préparés par la sélection naturelle : ces casiers sont ses diverses régions. Dans le centre visuel dorment toutes les images de la vue, triées et mises à part ; dans le centre auditif sommeillent toutes les images de l’ouïe. De plus, les parties du cerveau sont reliées par des intermédiaires. Toute impression ébranle donc, par une contagion inévitable, les parties contiguës et similaires du cerveau, puis celles mêmes qui, plus éloignées, conséquemment différentes, sont cependant encore unies aux premières par des fibres conductrices. Qu’une image particulière de la vue, comme celle de la couleur rouge, ébranle le centre visuel, cet ébranlement se répandra, par diffusion dans le centre visuel tout entier, il suscitera l’image plus ou moins précise d’autres couleurs similaires, ou encore celle de la couleur en général, puis, par une sélection nouvelle, celle de l’étendue, et ainsi de suite. De là cette loi établie par M. Spencer : — Toute représentation tend à s’agréger avec les représentations semblables en vertu de l’identité de leur siège cérébral. — Nous croyons avec M. Spencer que c’est l’unique loi de l’association des idées.

Les autres lois, en effet, sont secondaires, fondées sur des rencontres accidentelles et superficielles entre les idées : la loi en question est primitive, essentielle, fondée sur l’organisation stable du cerveau, qui elle-même résulte de l’action constante de la nature sur l’homme. Les rencontres fortuites d’impressions ne produisent un lien durable que si elles aboutissent à une classification et viennent se ranger sous quelque loi inscrite dans notre système nerveux. M. Spencer a montré que cette classification se fait tout d’abord d’une façon automatique, par la seule diffusion du courant nerveux dans le cerveau. Dès que nous voyons une rose rouge, cette image se range d’elle-même dans la classe des objets visibles, puis dans la sous-classe des objets rouges, puis dans la sous-classe des fleurs, etc. Cette série de classifications est immédiate, aussi involontaire que la propagation d’un ébranlement à la masse de l’air ou de l’eau. Le semblable, dans le cerveau, s’associe mécaniquement avec le