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par eux, suivant l’habitude, jusqu’à Bou-Farik, et finit par rentrer au camp de Douera. Le bilan de cette campagne de cinq jours était médiocre ; au compte des pertes, cinq hommes tués et vingt-cinq blessés, dont un officier, qui était le lieutenant-colonel Marey ; au compte des profits, deux prisonniers et quarante bœufs. Huit jours après, les Hadjoutes en avaient repris soixante-quinze aux gens de Beni-Khelil.

Cependant il ne manquait pas dans Alger d’optimistes qui étaient d’avis que les affaires n’allaient pas mal et qu’elles ne tarderaient pas à prendre un train meilleur encore. On spéculait plus que jamais sur les constructions et sur les terrains. « Le fait est que, depuis un an, des capitaux considérables s’engagent ici, écrivait à Duvivier, commandant supérieur de Bougie, le général Trézel ; vous ne reconnaîtriez plus les rues de la Marine et Bab-el-Oued, non plus que la place ; des maisons à arcades et à trois étages règnent sur tout un côté de la première. On va établir un fort poste à Bou-Farik, ce qui nous achemine sur Blida, dont l’occupation prochaine est pour les spéculateurs chose si sûre qu’ils ont déjà acheté la plupart des maisons, des jardins et des terres de la ville. Lorsqu’on voudra y établir les troupes, ces gaillards-là viendront nous dire : « Cette maison est à moi, ce terrain m’appartient ; » et il faudra payer tout cela dix fois sa valeur. Croiriez-vous qu’un de ces coquins légaux, nommé Roux, demande aujourd’hui 130,000 francs du champ de manœuvre et de la petite maison dite la Manutention ? On n’aura conquis ce pays que pour ces gens-là qui crient sans cesse qu’on ne les protège pas assez et que l’armée leur est à charge, qu’ils ne doivent pas vivre sous le régime du sabre, qu’il leur faut un gouverneur civil, et autres sottises sans fin. Tout cela est cru à Paris, et ceux qui arrivent pensent ne trouver ici qu’oppression de la part des autorités militaires. »

Le poste qu’on allait établir à Bou-Farik n’était rien de moins qu’un camp retranché dont la construction commença au mois de février ; il reçut le nom de camp d’Erlon. Un autre, moins important, fut improvisé à Maelma, entre Dely Ibrahim et Douera, par les zouaves du commandant de La Moricière. Quelque temps auparavant, cette partie du Saliel avait été tout à coup envahie et ravagée par une bande de trois ou quatre cents Hadjoutes, qu’un déserteur français animait au pillage ; d’autres avaient attaqué les travailleurs du camp de Bou-Farik. À la fin du mois de mars, le gouverneur voulut que l’opération manquée au commencement de janvier fût reprise ; celle-ci dura moins longtemps et pénétra moins avant dans la plaine ; ce fut toute la différence, car elle n’eut pas plus de résultats que la première.