tribun populaire, de race moins altière, moins bien défendu par son peintre. Ces comparaisons, meurtrières pour le second, seront justes ; elles ne seront pas toute la justice. J’eusse pourtant voulu dire ma pensée, — je la sens si libre, — en passant devant l’homme qui a rempli mon temps. Par malheur, la tombe est récente ; la popularité, cette courtisane, rôde encore autour, elle ne laisse pas approcher la justice. Pourquoi a-t-il rempli ce temps? Dans ces grands empires qu’un homme exerce sur la foule, tout ne peut pas être usurpé; seulement la foule ne connaît jamais elle-même les raisons secrètes de sa déraison. Elle a glorifié ce politique pour beaucoup d’essais douteux, de promesses légères, de faiblesses et de désorganisations; au fond, ce n’est point pour tout cela qu’elle l’aimait ; elle l’aimait parce qu’il avait cette chaleur, qui est la vie, et les hommes vont d’instinct à la vie ; elle l’aimait surtout parce que, sous les habiletés de l’ambitieux, elle sentait une attache naïve et crédule à la patrie ; parce que, dans une heure éperdue, cet homme avait eu le cœur de la France dans ses mains. S’il l’avait recueilli, c’est qu’apparemment aucun autre n’avait été là pour le prendre. L’honneur était trop lourd, soit ; l’homme n’était pas égal à l’entreprise, je le sais; l’effort a été mal fait, d’accord; mais il a été fait, et il fallait qu’il fût fait. Ceux-là ne peuvent l’oublier, qui, dans le bruit du canon, ne distinguent plus si le chef s’appelle Villars ou Kellermann. Qu’on place dans ce cadre les émules de Gambetta, les plus qualifiés, voire et surtout le plus qualifié : comme Dante chez les vaines ombres, nous regarderons et passerons, n’entendant pas ce petit bruit d’un cœur qui bat au moins pour l’une de nos amours ; devant ce portrait nous l’entendons.
Vous reverrez encore bien d’autres figures célèbres ou connues dans cette salle. Elles n’ont qu’à se bien tenir : MM. Augier et Pailleron se trouvent là tout à point pour noter leurs travers dans quelque comédie; MM. Coquelin l’attendent pour la jouer. Ils sont cinq. Cela va troubler les idées des étrangers, qui ne savent pas qu’un et un font quelquefois plus de deux. Ah! notre étranger de tout à l’heure ! ses étonnemens vont recommencer quand il entrera ici. Où est donc le gouvernement? demandera-t-il. — Il n’y en a pas. — Tout à l’heure vous aviez trop de rois et maintenant je ne vois plus même un président. — C’est sans doute qu’on ne l’aura pas réélu. On aura sacrifié sa personne pour déférer à ses idées. Au reste, si vous tenez à voir un gouvernement, il y a ici de quoi former tout un cabinet, et quel cabinet! — Mais qui maintient l’ordre? — Le préfet de police que vous apercevez dans ce petit cadre. Seulement, il fait penser au vers de Juvénal : quis custodict ipsos Custodes. — Tout cela ne donne pas un président. Ah !