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AUX
PORTRAITS DU SIECLE

Pour la seconde fois, la Société philanthropique a battu le rappel des ombres, dans ces autres nécropoles qui sont les galeries et les musées. On pouvait craindre de ne recruter que les traînards et les déserteurs de la première exposition; c’eût été mal connaître ce peuple avide de montre, amoureux de lumière et de bruit. Beaucoup sont venus qui manquaient naguère, et des plus désignés pour parler au nom du siècle ; ceux qui reviennent ont changé d’habit et de condition, ils se sont grimés chez un nouveau peintre pour rejouer leur personnage. Pêle-mêle avec les morts, les vivans sont entrés ; ceux-ci ne souffrent pas volontiers qu’on leur prenne leur place au soleil, ils n’aiment guère qu’on porte de dessous terre pour distraire notre attention de leur tapage. A grand’peine morts et vivans se sont casés, après bien des disputes de préséance, car les ombres ont leur vanité. Le théâtre est plein, on y va jouer la merveilleuse comédie que nous donnons au monde depuis cent ans ; les étrangers prétendent que les Français sont les comédiens ordinaires du bon Dieu. Deux régisseurs annoncent la pièce, deux graves historiens qui se font vis-à-vis au bas de l’escalier du palais, indiquant la route du siècle : Henri Martin et Michelet. Le premier semble atterré; quelque coup l’a frappé : plaignons-le, ne le lisons pas. C’est Michelet qui devrait fermer son livre et vous guider là-haut à ma place; il commenterait le beau précepte, en partie réalisé par l’exposition des portraits : « l’histoire est une résurrection ! » Qu’on