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d’un assuré qui s’adresse en même temps à plusieurs compagnies en divisant entre elles le total à assurer, c’est le principe : Uno avulso non deficit alter. Mais il va de soi que, lorsqu’une compagnie réassure, c’est qu’elle redoute les périls de l’assurance première et qu’elle craint de s’être exposée à de plus gros risques qu’elle n’aurait dû le faire. Évidemment, si la mesure n’était pas un peu dépassée, si les chances étaient tout à fait en sa faveur, si les prix étaient entièrement rémunérateurs, elle ne voudrait pas recourir à des mesures qu’il faut toujours payer chèrement, les réassureurs cherchant à tirer parti eux-mêmes d’une situation qui semble un peu difficile. La réassurance a été l’objet d’une lutte entre des compagnies jalouses de former de gros portefeuilles en peu de temps, sans trop regarder à leur valeur, puis qui bientôt ont voulu s’affranchir de leurs plus gros risques, et des sociétés nouvelles, bien aises de s’immiscer dans des opérations qui leur étaient fermées et d’entrer sur un nouveau terrain. La concurrence des intermédiaires a joué ici encore son mauvais rôle, et une crise s’est produite dont le moment le plus aigu remonte à l’année 1881. Les commissions ont exercé dans les assurances contre l’incendie une influence encore plus nuisible que pour les assurances sur la vie : les contrats d’assurances y sont en effet conclus pour des périodes bien autrement courtes et ne dépassent pas dix ans en général. Or l’abandon à titre de commission d’une première année de prime, de deux années en général, quelquefois même de trois sur dix années, tant les exigences des intermédiaires se sont accrues, a bientôt déterminé des catastrophes faciles à prévoir, surtout pour les sociétés qui s’étaient formées uniquement en vue de l’émission de leurs actions réalisant dès le début une hausse importante par suite du mouvement produit sur ce genre de placement, appelé, croyait-on, à participer à la fortune exceptionnelle des anciennes compagnies. La désillusion ne tarda pas à se manifester et, en cette année même de 1881, on retint à des idées plus sages et à des combinaisons plus prudentes. Quatre des compagnies anciennes formaient entre elles, depuis plusieurs années, une sorte de réunion qui, par les soins d’un comité spécial, visait à maintenir les assureurs dans une voie de sagesse et de bonne administration. Sans être associées, elles étaient unies ; guidées par cet exemple, une douzaine d’autres prescrivirent de véritables règlemens contre l’abus de la concurrence, la baisse exagérée des tarifs, et alors de nouvelles habitudes de prudence ne tardèrent pas à se propager qui, depuis ce moment, semblent devoir préserver d’une chute définitive les compagnies subsistantes encore parmi celles qui venaient d’être le plus récemment créées.

La comparaison entre les jeunes et les anciennes compagnies donne à cet égard les renseignemens les plus instructifs, et montre