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I.

Les années qui suivirent la révolution de 1848 virent naître une foule de projets, d’études, de discussions sur la constitution du capital mobilier, sur les méthodes les plus propres à développer le crédit, à le rendre accessible à tous, à procurer à chacun l’instrument du travail, s’il se pouvait même à en égaliser les fruits, distribuables par individu, non à titre de droit propre, la propriété devant être considérée comme un vol fait à la communauté, mais en vertu des besoins que chaque être est appelé à satisfaire dans leur mesure entière au moyen de son propre travail. Aujourd’hui encore, à lire les œuvres de la presse socialiste, à entendre les discours prononcés dans certaines réunions révolutionnaires, il semblerait que nous soyons revenus à trente-sept ans en arrière et même que nous en dépassions les excès, puisque dans les graves débats qui se poursuivaient alors c’était principalement aux doctrines, aux théories, à la persuasion qu’on s’efforçait d’avoir recours, tandis qu’aujourd’hui la violence est surtout préconisée et que le partage des biens de ce monde doit s’obtenir uniquement par la force. Dans cette première période, ceux qui lui survivent peuvent se rappeler combien de tentatives avaient été faites pour développer le crédit, multiplier la circulation du papier, créer des banques de toute nature, surtout à l’usage des classes les plus pauvres, et c’est alors que le crédit mutuel était adopté comme la base de nombreuses combinaisons financières autour de nous; en France, il n’était guère appliqué que dans une société d’assurances immobilières, mais l’on s’efforçait de l’étendre à des banques proprement dites. Puis la préoccupation publique, portée d’abord vers les banques, revint aux assurances, et nos mœurs financières nous parurent pouvoir s’en accommoder. Ce fut alors en 1869 que nous dûmes indiquer ce développement spécial de la richesse mobilière comme éminemment utile et noter notre infériorité vis-à-vis de nos voisins, de l’Angleterre particulièrement; mais c’était surtout en matière d’assurances sur la vie que nous paraissions en retard, et c’est sur ce sujet spécial que se portaient nos réflexions.

Ces opérations se divisent en deux branches : assurances en cas de mort qui ont pour objet le paiement d’une somme payable au décès de l’assuré, et assurances différées, payables en cas de vie de l’assuré, après un certain nombre d’années, sous formes de rentes viagères ou de capital une fois soldé ; or chez nous la faveur dont ces assurances sur la vie jouissaient ailleurs n’était pas bien grande, et nos habitudes financières semblaient même y répugner, tant à cause