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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 avril.

La France compte donc dans les annales de sa politique inconstante une crise de plus, une crise bizarre et fantasque qui pourrait passer pour un mauvais rêve fait en temps de pénitence, si elle n’était malheureusement une triste et misérable réalité. Un ministère qu’on croyait assuré de vivre emporté en quelques heures, comme dans un tourbillon, — un ministère nouveau laborieusement, médiocrement reconstitué après une semaine de négociations et d’obscures péripéties, c’est en quelques mots toute l’histoire, c’est le résumé très sommaire de nos dernières aventures ; mais, dans l’intervalle, pendant ces quelques jours qui ont paru assez longs, quelles visions étranges ont passé devant nous ! que d’inconsistances, de versatilités et de contradictions brusquement mises à nu ! que d’impuissances et de vanités prises en flagrant délit dans la déroute universelle ! Le pays, pour son édification et son instruction, a eu pendant huit jours sous les yeux tous ces humilians spectacles : l’effarement incompréhensible des esprits, l’âpreté vulgaire des partis, l’ardeur des compétitions intéressées, les pouvoirs publics en déshérence et en défaillance, tandis qu’au loin nos soldats du Tonkin restaient dans la peine et dans le péril, auteurs involontaires et victimes de cette débandade de nos politiques.

Par quelle suite d’incidens imprévus et au moins singuliers tout cela a-t-il pu arriver ? Comment en est-on venu en quelques heures à ces extrémités, à une crise où tout s’est trouvé un instant confondu, où un