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ces vœux a passé dans la proposition de MM. Reyneau et Gilliot, dont l’article premier est ainsi conçu : « le travail dans les mines ne pourra excéder huit heures par jour. »

Est-ce bien sérieusement qu’on songerait à supprimer le travail à la tâche ? Cette combinaison, dit-on, favorise les hommes très robustes et très adroits. D’accord : ceux-ci gagnent plus que les autres. Est-ce qu’on peut l’empêcher ? Nous sommes nés inégaux en force connue en intelligence ; le gouvernement qui s’aviserait de redresser, à ce point de vue, l’œuvre du Créateur, échouerait dans sa tentative. Les syndicats, dit-on encore, sont opposés à cette « innovation, » qui ruine, d’après eux, la santé du mineur sans compensation réelle de gain. Si les exploitais se trompent, cela ne regarde qu’eux-mêmes, et l’état s’exagère son devoir s’il se croit obligé de leur apprendre, après l’orthographe et l’arithmétique, le meilleur moyen de faire fortune. Le mineur peut, il est vrai, prodiguer ses forces ; est-ce trop exiger que de lui demander un peu de réflexion ? Dans beaucoup d’autres professions, certains ouvriers sont sollicités vers un travail extraordinaire par le désir d’augmenter les ressources de leur famille. S’ils ne présument pas trop d’eux-mêmes, l’état ne peut pas les arrêter. Mais il peut encore moins débattre avec les uns et les autres la somme de travail que comportent la vigueur de leurs muscles et la souplesse de leurs membres. Ils sont libres et maîtres d’eux-mêmes : laissez-les faire.

Il est tout aussi peu logique de limiter la durée du travail. Voici une de ces erreurs économiques si palpables et si souvent réfutées qu’il est à peine utile de les réfuter encore. L’état garde le droit de régler le travail des enfans, parce qu’ils ne sont pas capables de se défendre contre d’avides et tyranniques exigences. Mais quant aux hommes faits, aptes à débattre eux-mêmes le prix de leurs services, il ne peut intervenir que pour protéger la liberté du travail et des conventions. On a fait, d’ailleurs, observer que le travail des mines a une durée variable selon les conditions dans lesquelles il s’exécute. Depuis trente ans, cette durée, dans le Nord, est de six heures en terrains aquifères, de huit heures pour les travaux qui doivent être poussés activement, tels que travaux de rocher, galeries d’aérage, etc. ; mais, dans les chantiers ordinaires, on permet à l’ouvrier, sur sa demande, un labeur plus long et plus rémunéré : s’il veut et peut faire de meilleures journées, il est insensé de le lui défendre. En fait, dit M. H. Couriot, on peut dire que, dans la plus grande partie des mines françaises, le travail à la journée a une durée de neuf heures, y compris le temps de la descente et de la remonte, ce