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et à la vérification des travaux intérieurs ; » s’il tente de le faire, il n’apercevra pas les dangers réels et signalera des dangers imaginaires. On avait voulu garantir la sécurité des mineurs ; on l’aura compromise.

Il s’en faut, ne l’oublions pas, que les faits permettent de bouleverser à la légère le système français. Voici, sur mille mineurs, le nombre de ceux qui sont morts à la suite d’accidens : en Saxe, 3, 39 ; en Prusse, 2,90 ; dans le Hainaut, 2,38 ; en Angleterre, 2,18 ; en Autriche, 2,11 ; en France, 2,09. Ces chiffres sont établis par M. Vuillemin sur une statistique de dix années.

En outre, les délégués mineurs seraient adjoints aux agens de l’état pour la « constatation » des accidens. Aujourd’hui, dès qu’un accident est arrivé, l’exploitant est tenu d’en donner connaissance immédiate à l’ingénieur des mines et au maire de la commune. Ce n’est pas là, qu’on le remarque, un simple conseil ; les exploitons et les directeurs qui manquent à cette prescription peuvent être et sont, en effet, traduits devant les tribunaux. L’ingénieur se transporte sur les lieux et dresse un procès-verbal de l’accident « séparément ou concurremment avec les maires ou autres officiers de police. » Absent, il est remplacé par « les élèves, conducteurs et gardes-mines assermentés. » Les procès-verbaux sont transmis sur-le-champ au préfet et au procureur de la république. Enfin, d’après une circulaire ministérielle du 30 avril 1883, l’ingénieur, « dès qu’il s’est rendu sur le chantier de l’accident, doit se faire une règle absolue d’interroger séparément chaque témoin et d’inviter toutes les autres personnes qui pourraient se trouver présentes à se retirer pendant qu’il reçoit les dépositions. » Il nous est impossible de comprendre pourquoi l’on compliquerait ce mécanisme très simple par l’intervention du délégué mineur.

Que fera ce délégué ? Sans doute il devra, de son côté, dresser un autre procès-verbal. En thèse, voilà beaucoup, trop de procès-verbaux. Le maire et les autres officiers de police judiciaire sont dans leur rôle : ils offrent des garanties d’impartialité bien différentes. Ils ne représentent personne, si ce n’est le public : ce sont des magistrats. Cependant on leur adjoint, dans cette circonstance spéciale, un ingénieur, parce que le côté technique de la question peut leur échapper : il s’agit, en effet, non-seulement de constater l’accident, mais de l’expliquer, parfois d’y remédier. Mais pourquoi leur adjoindre les délégués ? Est-ce que l’officier de police judiciaire et l’ingénieur ne se contrôlent pas l’un l’autre ? L’un et l’autre sont d’ailleurs désintéressés tandis que le délégué mineur ne l’est pas et, chose étrange ! c’est parce qu’il ne l’est pas qu’on le fait entrer en scène. Si quelque mineur a été tué ou blessé, les auteurs du