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arbitrairement, malgré les uns et les autres, grouper des exploitations distinctes pour l’élection d’un délégué. Pourquoi donc agir par la contrainte ? L’état ne cessera-t-il pas de se persuader qu’il sait tout, qu’il voit tout, qu’il peut tout et qu’il est chargé de faire notre bonheur, même à notre corps défendant ?

« Ceux qui seront ainsi désignés, poursuit le législateur anglais, seront libres, au moins une fois par mois, de parcourir toutes les parties de la mine et d’inspecter les puits, chantiers, etc. Le propriétaire, gérant ou directeur, s’il le juge à propos, les accompagnera lui-même ou les fera accompagner. » Ainsi chacun garde sa liberté d’action. Voici notre projet de loi : « Les délégués, dans leur circonscription respective, devront consacrer, chaque mois, un temps équivalent à deux journées de travail à la visite des travaux intérieurs des mines. Ils doivent, en outre, procéder sans délai à la constatation des accidens survenus dans les mines ou causés par les travaux des mines. » Non-seulement les ouvriers sont astreints aux visites, même quand ils les jugeront superflues, mais l’état détermine uniformément, d’avance, la durée de ces visites pour n’importe quelle mine, comme si leur nombre et leur nature ne devaient pas varier avec la nature même de l’exploitation. L’état, en Angleterre, persiste à ne pas sortir de ses attributions naturelles ; nous, nous continuons d’appliquer le système inverse. Or, il est bon de le rappeler, alors que le gouvernement anglais soumettait au parlement son projet de loi, les ouvriers protestèrent contre une seule clause : celle qui leur conférait le droit de visiter les travaux, et pourtant il ne s’agissait que de visites facultatives.

Le projet français contient cette phrase finale : « Les visites et constatations ci-dessus prescrites sont payées aux délégués comme journées de travail et restent aux frais des exploitans. » Le législateur anglais laisse, au contraire, le déléguant rémunérer le délégué. Celui qui commande un travail doit le payer, ont dit à ce propos les compagnies. C’est, en effet, une règle de droit fondée sur le sens commun, uniformément applicable, et qui ne doit pas plier, dans un pays où tous les citoyens sont égaux devant la loi, sous un intérêt particulier.

Mais le vice principal du projet est dans la nature même des attributions qu’il donne aux délégués. Ceux-ci deviennent de véritables fonctionnaires, car ils sont investis par leurs pairs d’une double « fonction. » Ils devront procéder comme les agens de l’état, mais « isolément et en dehors de leur ingérence » : 1° au contrôle et à la vérification des travaux intérieurs ; 2° à la « constatation » des accidens.

Les ingénieurs des mines exercent aujourd’hui le contrôle et la