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même l’existence. C’est ce qu’avait nettement aperçu notre grand jurisconsulte Domat : « Le droit du propriétaire du sol, dans son origine, dit-il, a été borné à l’usage de son héritage pour y semer, planter ou bâtir ; son titre n’a pas supposé un droit sur les mines, qui étaient inconnues. » Lorsque ce premier propriétaire usa plus tard du droit de transmission, il ne transmit pas plus qu’il n’avait acquis lui-même. À leur tour, les successeurs de son premier acquéreur ou de son héritier ne purent intervertir leur titre et devenir tout à coup propriétaires des mines par cela seul qu’ils avaient entrevu, à un moment donné, l’existence d’un tréfonds minéral et le profit à tirer de son exploitation[1]. C’est pourquoi l’état ne nous semble pas même astreint à donner, dans ses concessions, la préférence au maître du sol. Nous ne croyons pas avec le législateur belge que, « lorsque le propriétaire de la surface possède tous les moyens nécessaires pour exploiter d’une manière utile et conforme à l’intérêt général la mine qui se trouve dans son terrain, il n’y a plus de raison pour accorder cette mine à une autre personne. » Qu’a donc fait le superficiaire pour mériter, comme superficiaire, une telle récompense ? Par quel coup du sort, s’étant croisé les bras, verrait-il en un jour doubler, décupler son patrimoine ? De quel droit éliminerait-il l’inventeur ? Que lui doit la collectivité, sinon le dédommagement de quelques charges ou des préjudices causés par les travaux d’exploration ou d’exploitation ?

Turgot donnait la mine à l’inventeur. Celui-ci peut dire, en effet : Sans moi, ces métaux restaient enfouis dans les entrailles de la terre ; j’ai créé cette valeur nouvelle : donc c’est à moi qu’elle appartient. Ce raisonnement est sérieux, et Mirabeau, quoiqu’il l’ait combattu dans un de ses discours avec une rare éloquence, ne l’a pas complètement réfuté. Si quelqu’un peut réclamer un droit de préférence à la concession, c’est, à notre avis, l’inventeur qui vient de rendre un service à la société. Celle-ci n’est pas rigoureusement astreinte à le récompenser en lui abandonnant la propriété de sa découverte, la valeur étant plutôt signalée que créée et cette mine ne pouvant pas être encore regardée, par cela seul qu’un homme la révèle aux autres, comme « l’équivalent extérieur de sa force intérieure et de son activité ; » mais elle aurait tort de ne pas le faire quand l’inventeur sera capable d’exploiter ou, d’une façon plus générale, si l’on veut, toutes les fois que l’intérêt public ne s’opposera pas à cette investiture.

Nous ne croyons pas que les auteurs du projet de règlement sur le régime des mines de l’Annam et du Tonkin se soient trompés

  1. Il en est autrement, bien entendu, des minières et des carrières qui, par leur adhérence presque immédiate au sol, semblent se confondre avec la surface.