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admirables rivages de la Provence, une des sources les plus fécondes de notre fortune publique, où les villes d’hiver succèdent aux villes d’hiver, où les stations les plus brillantes s’échelonnent sous un ciel bleu, sous un climat délicieux, au milieu d’une merveilleuse nature, que faudrait-il pour les changer en une contrée maudite, couverte de débris d’un luxe si prestigieux, d’une richesse si enviée ? Quelques croiseurs et quelques canonnières circulant la nuit en face d’elles, et criblant Menton, Nice, Cannes, Saint-Raphaël de leurs projectiles incendiaires. Que pourraient, pour empêcher un tel malheur, des forts isolés, qui commandent les routes d’Italie, mais qui ne commandent nullement la pleine mer, où les boulets de leur artillerie s’égareraient dans l’obscurité ? La défense des côtes est ou plutôt doit être une défense marine ; c’est au large, c’est là où se produira l’attaque, qu’elle doit se produire ainsi ; il faut que des flottilles de torpilleurs, soutenues par des embarcations fouillant l’horizon de leurs appareils photo-électriques, aillent chasser l’assaillant et le forcer à la retraite. Les batteries de la côte ne serviront qu’à les soutenir dans cette œuvre de salut. Or nous ne cesserons de le répéter : nous ne possédons ni flottilles de torpilleurs, ni embarcations préparées pour la guerre, ni torpilles ; toutes nos ressources passent en cuirassés qui ne serviront à rien, qui surtout ne sauraient être d’aucune utilité pour préserver nos côtes des catastrophes que notre imprévoyance risque d’attirer sur elles. Nous savons bien qu’on refuse de croire à ces catastrophes, qu’on les déclare impossibles, contraires au progrès moderne, indignes des nations civilisées. On ne croyait pas non plus, avant 1870, que le jour se lèverait sur nous où Paris serait bombardé et Verdun incendié. On était persuadé que la guerre allait cesser d’être barbare, que l’humanité ne reverrait plus ces scènes de désolation et de carnage qui font de l’histoire une horrible tragédie. On se trompait cruellement, et le réveil a été affreux. On ne se trompe pas moins lorsqu’on cherche à se convaincre qu’un ennemi luttant contre nous pour la vie reculera devant la dévastation de nos côtes, entreprise si aisée pour lui, si effroyablement désastreuse pour nous ! Il n’est que temps de prévoir les ravages qui peut-être s’approchent. C’est à ceux qui nous gouvernent d’aviser !


GABRIEL CHARMES.