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au commerce ; en temps de guerre, employé presque lège, il rendrait d’immenses services.

Quoi qu’il en soit, il n’est que temps de s’occuper des moyens d’utiliser le matériel de la marine marchande, afin de combler, quand les hostilités éclateront, les vides de la marine de guerre. Les Russes, nous l’avons dit, nous ont devancés dans cette voie. Ils ont fait plus ; avec une bien remarquable prévoyance, ils ont cherché à se servir de leurs institutions administratives au profit de la défensive. C’est ainsi qu’ils ont organisé une flottille militaire de douanes, qui mérite une mention particulière. Cette flottille, constituée en 1873, sous le commandement d’un contre-amiral, a pour mission : d’empêcher la contrebande ; d’exercer le personnel maritime à la navigation côtière au milieu des écueils de la Baltique ; d’instruire tous les ans une partie du bas personnel de la marine, de façon à former de bons sous-officiers pour la flotte ; de surveiller le service des places, de porter secours aux navires en danger ; enfin, en temps de guerre, elle est munie de torpilles et concourt à la défense des côtes. Elle se compose actuellement de trois bâtimens et de sept embarcations à vapeur, pouvant marcher à la voile. Chacune de ces embarcations a la surveillance d’une étendue de côtes de 100 milles environ, elle est armée de quatre canons. Les hommes ont une carabine, un revolver et un sabre. Ils servent deux ans, après avoir fait une année de service en escadre ; ils reviennent ensuite dans les équipages de la flotte. Chaque embarcation est commandée par un lieutenant de vaisseau, assisté d’un sous-lieutenant et d’un garde marinier. Tous les hommes sont astreints à faire alternativement tous les services du bord : timonerie, manœuvre, exercice des armes, etc. Ils doivent, en outre, apprendre à lire et à écrire. Quoique faisant partie, comme on le voit, de la marine militaire, la flottille de la douane est placée, en temps de paix, dans les attributions du ministre des finances. L’état des officiers et des équipages est dressé tous les ans, sous l’approbation du conseil d’amirauté, par le ministre de la marine, qui exerce une surveillance constante sur le personnel et se tient au courant du service des douanes. Il est question de créer une flottille semblable dans la Mer-Noire et sur les côtes de la Sibérie. De plus, un corps de gardes-côtes est organisé en divers points du littoral, sous les ordres du chef de service des douanes, dont la mission n’est pas moins militaire que fiscale. La Russie devient de plus en plus une grande puissance maritime, et si jamais éclate entre elle et l’Angleterre la guerre que leur vieil antagonisme rend sans cesse menaçante, ce ne sera plus, suivant un mot de M. de Bismarck, la lutte de l’éléphant contre la