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simplifiée beaucoup, elle se simplifiera bien plus encore ; les modèles successifs que nous obtenons de M. Whitehead, et qui sont, hélas ! ignorés de nos amiraux, en font foi. Et comment veut-on que deux lieutenans de vaisseau, immobilisés à la rue Royale, soient au courant du service qu’ils dirigent, si l’on peut se servir d’un mot pareil dans de pareilles conditions ? Ils devraient venir à tour de rôle dans les ports et surtout à Toulon. Mais à quoi bon se déranger ? C’est en marine surtout que le zèle semble intempestif. De là des hésitations constantes, des réformes toujours en suspens, une absence complète d’autorité et d’esprit d’initiative, aucune vue d’ensemble, aucune direction, aucune centralisation, aucune impulsion d’en haut. Les influences les plus diverses s’entre-croisent d’ailleurs au ministère pour tout entraver. Comme les deux lieutenans de vaisseau sont sans pouvoir et le directeur du matériel indifférent, le chef d’état-major du ministre prétend avoir un pied dans un service nouveau et sans consistance. Parfois, le conseil des travaux est également appelé à s’en occuper. Comment se reconnaître au milieu de tous ces tiraillemens, de cet encombrement d’avis, parmi lesquels il y en a un si grand nombre qui sont tout à fait dépourvus de compétence ? Ce désordre subsistera tant qu’on n’aura pas créé un personnel spécial et responsable pour la torpille comme pour l’artillerie ; et, quand on l’aura créé, toutes les réformes, les refontes et les perfectionnemens du matériel, viendront au contraire naturellement par surcroit.

De même qu’il existe pour l’artillerie de la flotte, c’est-à-dire des bâtimens de combat, un personnel qui construit, répare et prépare l’armement à terre, et un personnel naviguant qui s’en sert à bord, de même il doit exister pour les torpilles ces deux sortes de personnel. Pour constituer le premier, il est nécessaire d’avoir à Paris une inspection générale des torpilles dirigée par un vice-amiral responsable, qui recevra les dossiers, rapports, projets, études, etc., les examinera mûrement, les contrôlera et mettra à exécution ceux qu’il lui paraîtra utile d’appliquer. Il sera assisté dans ce travail par des officiers de vaisseau qui changeront souvent, feront, sans cesse des tournées dans les ports et sur le bâtiment-école des torpilles, assisteront aux expériences et seront, par conséquent, au courant des besoins indiqués par la pratique. Ces officiers resteront, bien entendu, dans leurs corps ; ils représenteront, comme le vice-amiral, l’élément naviguant et combattant, qui doit avoir la haute main sur la préparation des instrumens dont il aura à se servir. Mais il faudra, nous le répétons, qu’ils changent souvent pour ne pas s’endormir dans des idées qui, bonnes à leur arrivée à Paris, pourront ne plus l’être quelques mois après. À côté