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sont à peine ébauchés ; mais il y en a quelques-uns aussi qui sont clos, et celui de l’œuvre de Pascal est de ces derniers. Nous ne reprocherons donc pas à M. Deschanel de ne s’être pas plus longuement étendu sur les Provinciales ou sur les Pensées ; n’en ayant que peu de chose à dire, il a bien fait de n’en pas dire davantage.

Résumons-nous : ce qui manque au livre de M. Deschanel, c’est surtout le fond, comme on l’a vu, mais c’est aussi la forme. Rien de moins ordonné, rien de plus décousu, rien dont on distingue moins le véritable objet. Qu’a-t-il voulu faire ? je l’ignore. A-t-il voulu nous communiquer, après son auditoire, l’impression qu’il avait reçue lui-même, comme lecteur, de la lecture des Maximes, des Oraisons funèbres, ou des Pensées ? Mais il n’a fait qu’en redire ce qu’en avaient dit vingt autres avant lui, non-seulement sans y rien ajouter, mais encore sans s’être mis au courant de ce qui s’en était dit depuis l’époque déjà lointaine où lui-même professait la rhétorique. A-t-il voulu nous donner ce que l’on appelle des études nouvelles sur La Rochefoucauld, sur Pascal, sur Bossuet ? Mais en ce cas je crois avoir montré, non-seulement à quel point ces études nouvelles manquent de nouveauté, mais surtout combien peu M. Deschanel était préparé pour les entreprendre. Ou bien encore a-t-il voulu, dans ces « classiques » par excellence, nous montrer des « romantiques » avant le romantisme, et, selon son programme, politique autant que littéraire, des prédécesseurs naturels de l’auteur des Misérables et de Quatre-Vingt-Treize ? Mais outre que la plaisanterie commencerait à durer trop longtemps, nous avons fait voir que, si cette préoccupation l’avait guidé d’abord, il fallait avoir de bons yeux pour s’en apercevoir dans ce livre. La vérité, — beaucoup plus simple, et aussi plus triste, — c’est que M. Deschanel, à qui nous reconnaîtrons d’ailleurs toutes les qualités qu’il voudra, de qui nous louerons volontiers,


le train et la dépense,
Ou l’adresse à cheval, aux armes, à la danse,


et dont nous admirerons enfin autant qu’il lui plaira les savantes études sur Christophe Colomb ou Vasco de Gama, M. Deschanel occupe au Collège de France une chaire pour laquelle personne n’était moins fait que lui.

Dans la courageuse et vigoureuse étude que M. Albert Duruy consacrait ici même tout récemment à la décadence de notre enseignement supérieur, parmi les causes de cette décadence, il en oubliait une : l’esprit qui depuis déjà quelques années y préside aux choix des personnes. L’enseignement de l’histoire de la littérature française en a surtout souffert. Il ne vient pas, en effet, à vaquer à une seule chaire