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Saint-Marc Girardin. Les élémens en étaient sous la main de M. Deschanel : l’Histoire de Bossuet, du cardinal de Bausset, les Études sur la vie de Bossuet, de M. Floquet, l’Histoire de la vie et des ouvrages de Bossuet, de l’abbé Réaume ; et les grandes éditions, celle de dom Deforis, l’édition de Versailles, celle surtout de M. Lachat, qui a rendu tant de services, mais qui appelle encore tant de critiques ; et les travaux de détail, trop nombreux pour que nous puissions les énumérer ici, ceux de l’abbé Vaillant, de M. Nourrisson, de M. Gandar, de M. Gérin, combien d’autres encore ! y compris ceux qui parlent, sous le nom de Fénelon, de l’évêque de Meaux presque autant que de l’archevêque de Cambrai ; enfin, ces manuscrits autographes qui n’ont pas encore été suffisamment explorés, et qui ne sont pourtant pas, comme tant d’autres, gardés sous clé par des mains jalouses, mais que tout le monde peut voir à la Bibliothèque nationale, et consulter, étudier, dépouiller à loisir. Alors, sans affecter la prétention de les examiner à fond, et quoique peut-être la théologie ne soit pas une science tellement interdite aux profanes, on eût dit l’essentiel sur ces grandes controverses où se dépensa l’activité du génie dialectique de Bossuet : avec les protestans, avec les ultramontains, contre Malebranche, contre Fénelon, et aussi contre Richard Simon, cet oratorien qu’il paraît que l’Allemagne nous envie, « le fondateur, nous dit-on, de la critique biblique, » mais dont personne en attendant ne nous a dit au juste en quoi consista l’œuvre. De toutes ces controverses et de toutes ces histoires, éclairées, contrôlées, complétées les unes par les autres, mais surtout par tant de documens qui n’ont guère vu le jour que depuis un demi-siècle, et qui paraissent avoir échappé comme le reste à l’attention de M. Deschanel, on eût enfin tâché de dégager la vraie physionomie de Bossuet, et de nous montrer quel fut ce grand homme, qui pour tant de Français n’est guère aujourd’hui qu’un grand nom, ou, si je puis ainsi dire, un symbole plutôt qu’une personne réelle. Et l’on eût fait une œuvre ainsi qui d’ailleurs eût valu ce qu’elle eût pu, — car, pour beaucoup de raisons, j’en vois peu du même genre qui soient plus difficiles, — mais qui, de toute manière, n’eût pas manqué d’honorer grandement celui qui l’aurait entreprise, et même quand il n’y eût qu’à moitié réussi. Rendons du moins cette justice à M. Deschanel qu’il n’aura enlevé à personne la possibilité de prétendre à la réaliser.

S’il a mal parlé de Bossuet, a-t-il mieux parlé de Pascal ? et les Provinciales ou les Pensées l’ont-elles mieux inspiré que le Discours sur l’histoire universelle ou les Oraisons funèbres ? Nous le voudrions pour son auditoire du Collège de France et pour lui, mais la vérité nous oblige à dire qu’insuffisant et banal sur Bossuet, il est plus que banal et plus qu’insuffisant sur Pascal. « Pascal est un exemple effrayant des ravages que peut causer le fanatisme, même dans un esprit